Dans le NEJM, un article qui décrit le rôle majeur des Procureurs Généraux d’Etats aux Etat-Unis, qui n’hésitent pas à attaquer et à faire plier les industriels à l’origine d’addictions.

Pour rappel, un procureur général d’Etat (State Attorney General ou AG) est le principal conseiller juridique du gouvernement d’un Etat de l’Union. Il est chargé de l'application de la loi dans l’État. Dans certains États, l’AG est à la tête du département d’État à la justice. Les AGs peuvent s’unir et intervenir en commun lorsque la santé publique est concernée.

Alcool

En 1998, le « Maître-Accord de Réglementation » ou Master Settlement Agreement (MSA) a été adopté entre l’industrie du tabac d’un côté, et les procureurs généraux de 46 états et 5 territoires américains. Le MSA de 1998 a fixé d’importants objectifs de santé publique, en particulier la réduction substantielle du taux de fumeurs de tabac. Cet accord a été un très grand succès, et il sert désormais de modèle pour réfléchir à contraindre des industriels dont les produits sont dangereux pour leurs consommateurs.  Des problèmes comme l’obésité, l’abus d’alcool ou de médicaments opioïdes, ou la violence par armes à feux, pourraient très bien faire l’objet d’une mesure similaire.

 

Pour rappel, un procureur général d’Etat (State Attorney General ou AG) est le principal conseiller juridique du gouvernement d’un Etat de l’Union. Il est chargé de l’application de la loi dans l’État. Dans certains États, l’AG est à la tête du département d’État à la justice. Les AGs peuvent s’unir et intervenir en commun lorsque la santé publique est concernée. Aux USA, les AGs sont perçus comme les recours ultimes lorsque les citoyens estiment qu’un industriel fait courir un péril majeur de santé public. Les AGs sont motivés à poursuivre un industriel lorsqu’un ensemble complexe de conditions sont réunies. D’abord et avant tout, la possibilité de pouvoir prouver la nuisance pour la santé publique. Ensuite, l’état de l’opinion sur le sujet, car s’ils entament des poursuites avec une opinion qui ne suit pas, ils perdent les élections qui suivent et les poursuites s’arrêtent. Enfin, les AGs, qui sont le plus souvent des politiciens, restent prudents car ils ne veulent pas donner l’impression qu’ils dictent aux électeurs la manière dont ils doivent se comporter (très mal perçu au Pays de la Liberté). Il est donc par exemple plus facile de poursuivre des industries qui ciblent les mineures que celles qui concernent les adultes effectuant un comportement en théorie avec leur plein assentiment. L’avantage dans le domaine des addictions est que les industriels ciblent préférentiellement les mineurs, afin de les assujettir précocement et durablement au comportement. On voit cela par exemple avec les publicités pour les fast-foods, l’alcool, les sodas, ou même les armes, qui ciblent souvent un public jeune. Enfin, les AGs ont besoin d’argent pour mener leurs actions, et ils sont parfois obligés de renoncer faute de moyens.

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Actuellement, 41 AGs ont intenté des actions contre des industriels du médicament qui fabriquent et commercialisent des opioïdes. Ils accusent ces firmes d’avoir menti publiquement sur le potentiel addictif de leurs produits, ou d’avoir insuffisamment surveillé les conséquences de l’usage des traitements par les citoyens américains. Dans le collimateur notamment, les campagnes de communication autour du concept de ‘pseudo-addiction’ dont Purdue Pharma aurait été à l’origine, qui visait à convaincre les médecins prescripteurs et la population que les comportements d’addictions signifiaient juste une douleur non-maîtrisée et donc la nécessité d’augmenter encore les doses de traitement. Certains AGs ont même entamé des actions contre des industriels qui ont publiquement contesté que leurs émanations de CO2 participaient au réchauffement climatique.

 

Depuis quelques temps, l’industrie de l’alcool est particulièrement dans le collimateur des AGs. 11% de l’alcool consommé aux USA l’est par des américains âgés de 12 à 20 ans, et 5000 décès par an aux USA sont imputés à l’alcool. Les AGs ont ainsi fait pression et obtenu la fin de la production des boissons énergétiques alcoolisées, qui visaient très majoritairement les jeunes. Toutefois, à l’heure actuelle, aucune initiative collective similaire au MSA n’a été entreprise par les AGs. Des acteurs majeurs de santé publique aux US poussent dans ce sens, pour deuxième MSA visant à contraindre les alcooliers.

 

Comparé à la France, le système américain a ses bons et ses mauvais côtés. Mais en France, il n’existe pas d’équivalent des procureurs généraux, même au niveau national. Le Ministre de la Justice n’a pas la possibilité de lancer des actions judiciaires, ou de proposer un accord visant à prévenir un procès. La Justice française a-t-elle la possibilité d’agir de la même façon sur la santé publique ? Certainement pas directement, mais on a vu avec l’affaire du Médiator® que le politique a pris la mesure des décisions de justice. La MILDECA aurait-elle les moyens de négocier avec les industriels et de les contraindre à signer des engagements de santé publique, sous peine de poursuite? Rien n’est moins sûr.

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