Dépistage et prise en charge du trouble de l’usage d’alcool avant une chirurgie. État des lieux.

Alcool

Un usage à risque de l’alcool (plus de 2 UI/ J) avant une chirurgie est associé à une augmentation de la durée d’hospitalisation et des complications post opératoires. Cela augmente de près de 2 fois la probabilité d’une infection post opératoire, d’une complication pulmonaire ou d’une admission en soins intensifs.  Consommer plus de 4 UI par jour est associé à une augmentation par 3 de la mortalité post opératoire.
L’utilisation de l’alcool a un risque similaire au tabac d’impacter le résultat opératoire

Dépister les patients, permettrait une diminution de la morbi-mortalité post opératoire et des coûts de santé. Un dépistage et une prise en charge de la problématique alcool en amont permet une amélioration du devenir du patient.

En pratique, ils sont peu réalisés voir négligés. Changer le comportement et les pratiques, effectuer un véritable dépistage, nécessitent l’implication des patients, et des acteurs de santé.

L’objectif de l’étude de Fernandez et al, est de permettre une meilleure compréhension de la perception des patients et des acteurs de santé vis-à-vis de l’impact de l’alcool sur la chirurgie afin de mettre en lumière les carences et de déterminer une manière de les combler.

Il s’agit d’une étude descriptive. Les données ont été recueillies entre juillet 2017 et mars 2018 dans un centre médical. Chaque entretien était réalisé en suivant un protocole, dans un espace dédié ou au téléphone. La durée était d’environ 1h15. Les données démographiques et de santé étaient recueillies via auto-questionnaire. Les participants étaient rétribués pour leur participation (40$).
Les critères d’exclusion étaient :

  • Anesthésie locale
  • Chirurgie avec une politique stricte d’abstinence (chirurgie bariatrique, transplantation)

Les critères d’inclusion étaient :

  • 18 -75 ans
  • Chirurgie programmée dans les 90 jours
    score supérieur ou égal à 4/5 au questionnaire AUDIT (risque d’addiction à l’alcool)
  • Anglais parlé couramment
  • En capacité de signer son consentement

Au total, 20 patients ont participé à l’entretien. 9 soignants ont participé dont 5 chirurgiens. 4 axes ont été dégagés.

1 Connaissance de l’impact de l’alcool sur la chirurgie

Aucun patient n’a indiqué avoir été informé du risque chirurgical de l’alcool par l’équipe soignante.
Les informations ont été reçues par le biais d’internet, des amis et de la famille. En revanche, les patients les plus à risque étaient les plus concernés.
Les soignants n’avaient pas d’informations précises sur l’impact de l’alcool sur le devenir post opératoire.
Ils ne voyaient, généralement, pas l’alcool comme un facteur de risque majeur de complication sauf si le patient présentait un trouble sévère (risque de sevrage ou difficulté/ gestion de la douleur)
Ils placent l’alcool derrière l’obésité, le tabagisme ou le diabète en termes de risque.

2 Dépistage du trouble de l’usage d’alcool (TUA) avant la chirurgie

Les patients ont indiqué qu’ils étaient à l’aise pour répondre aux différentes questions.
ils ont confirmé avoir été interrogés sur l’alcool avant la chirurgie
Ils auraient aimé savoir pourquoi on les interrogeait sur leur consommation d’alcool.
Les outils de dépistage n’étaient pas diffusés au sein des équipes sauf en ORL.

 

  1. Prise en charge de l’alcool avant la chirurgie

    Les patients ne se souviennent pas avoir reçu une information claire sur le risque inhérent à l’alcool par les intervenants, en pré opératoire, en dehors de l’instruction d’éviter l’alcool 24 à 48 h avant l’acte chirurgical.
    Plusieurs participants présentant une consommation importante ont indiqué avoir réduit leur consommation pour répondre à cet objectif. Certains ont vu la chirurgie comme une opportunité d’arrêter l’alcool à court terme.Les soignants n’avaient pas la connaissance d’un protocole pour dépister et prendre en charge la problématique alcool en dehors d’un protocole prophylactique pour le sevrage physique.
    Ils ont indiqué que l’alcool est un sujet rarement abordé avec les patients. Le tabagisme et les opiacés sont le plus fréquemment. Certains soignants abordent les patients présentant un TUA sévère avec une approche de réduction des risques.  Par exemple, les situations à risque de sevrage ou de complications sévères étaient évités en réduisant la durée de l’hospitalisation post opératoire.

 

Thème 4. Intérêts pour améliorer la prise en charge du trouble de l’usage d’alcool.


Les patients ont rapporté un intérêt pour en savoir davantage sur l’impact de la consommation d’alcool sur la chirurgie, notamment les seuils à risque avant et après l’acte.
Les patients préfèrent que la problématique alcool soit abordée par le biais de l’impact chirurgical que par le biais de l’addiction.
Les soignants sont ouverts à l’amélioration du dépistage et de la prise en charge mais ne voient pas cela comme une priorité. Ils souhaitent améliorer leur connaissance avant un changement de comportement. Les soignants pensent également que le service de chirurgie n’est pas le lieu le plus approprié pour la prise en charge de la problématique alcool.

Cette étude met en évidence les lacunes de connaissance, d’identification et de gestion des patients avec un usage à risque d’alcool avant un geste chirurgical.
Les soignants sont peu conscients que l’usage d’alcool en préopératoire est associé à une augmentation de la fréquence des complications post opératoires.  L’alcool n’est pas vu comme une priorité.  Cette méconnaissance est d’autant plus regrettable que les patients semblent vouloir être informés des risques et adhérer à une prise en charge si cela améliore le pronostic opératoire.
Par ailleurs, les outils de dépistage existent et sont facilement accessibles.

Il semble donc nécessaire et important d’intensifier les échanges entre les professionnels de l’addictologie et de la chirurgie notamment par le biais d’outils existants comme les ELSA (équipe de liaison et de soins en addictologie). Une fois de plus, il est important de ne pas manquer une opportunité de prendre en charge une problématique addictive.

Par Charles Lescut