Addiction à l’alcool, dépression : les résultats prometteurs de traitements expérimentaux à base de psilocybine et de LSD

Les recherches sur le potentiel thérapeutique des psychédéliques, comme la psilocybine et le LSD, se multiplient depuis quelques années. Comment fonctionnent-ils sur le cerveau ? Quelles sont les conditions des essais cliniques ? Les risques ? Peut-on en attendre des miracles pour traiter l’addiction à l’alcool et la dépression ? Les réponses du Pr Mickaël Naassila, directeur du Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP) de l’Inserm.

Alcool
Dépression addiction psychédéliques interaction entre pharmacologie et psychologie

Plusieurs décennies après l’interdiction des substances psychédéliques, les études sur leur potentiel médical ont aujourd’hui le vent en poupe. Combinés à une psychothérapie, les traitements expérimentaux à base de psilocybine (la substance active des champignons hallucinogènes) et de LSD montrent des résultats prometteurs pour traiter la dépression résistante, l’addiction à l’alcool, l’anxiété… Le Professeur Mickaël Naassila, directeur du Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP) à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), étudie les mécanismes neurobiologiques qui se cachent derrière ces psychédéliques. Il fait le point auprès de Pourquoi Docteur.

Pourquoi Docteur : D’où vient cet intérêt croissant pour les psychédéliques en tant que thérapie ?

Pr Mickaël Naassila : les psychédéliques ont été expérimentés et étudiés à partir des années 1960, une époque où les drogues, moins taboues, étaient largement considérées comme des médicaments, de véritables traitements psychiatriques. Dans la littérature scientifique, certains suggéraient que, comme on peut avoir des hallucinations avec l’alcool (par exemple pendant un delirium tremens), il pourrait être pertinent de tester des agents pro-hallucinatoires pour traiter notamment l’alcoolodépendance. Très vite, il a été question d’altération de l’état de conscience, d’accès élargi à l’esprit. Les psychédéliques semblent pouvoir favoriser une ouverture vers le monde, émotionnelle et sociale. Actuellement, dans le monde, une centaine d’essais – tant sur des modèles animaux que des humains – explorent le potentiel thérapeutique de la psilocybine et du LSD.

« Les psychédéliques ne viennent pas modifier le circuit de la récompense comme le font les drogues. Ils n’induisent donc pas ou peu d’addiction, et sont par conséquent assez sûrs. »

Qu’est-ce qu’un psychédélique ?

Structurellement, les psychédéliques ressemblent à de la sérotonine, un neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans l’humeur, l’émotion, le relationnel avec le monde extérieur. Les psychédéliques viennent booster spécifiquement les récepteurs sérotoninergiques 5HT2A, qui eux sont impliqués dans les effets hallucinogènes. Leurs molécules vont être plus ou moins puissantes. Ce qui rend les psychédéliques si intéressants sur le plan thérapeutique, c’est qu’ils ne sont pas une drogue : ils ne viennent pas modifier le circuit de la récompense comme le font les drogues, n’induisent donc pas ou peu d’addiction, et sont par conséquent assez sûrs du point de vue de la tolérance.

Des scientifiques décrivent les psychédéliques comme un « hack du cerveau ». Comment fonctionnent-ils ?

Les psychédéliques, combinés à une psychothérapie, constituent un nouveau mécanisme d’action thérapeutique. Leur effet est non seulement pharmacologique, mais il est aussi « boosteur » de la psychothérapie. On ne sait d’ailleurs pas encore si les bénéfices viennent de la psychothérapie, du psychédélique ou de l’interaction entre les deux, car les essais ne sont pas conçus comme tels. On explore actuellement la corrélation entre l’efficacité des substances et l’intensité de l’expérience mystique : dans quelle mesure les hallucinations, le « trip » vécu par le patient contribuent-ils à l’efficacité du traitement ? L’hypothèse la plus probable est que la combinaison des deux – psychédélique et thérapie – génère un changement d’état de conscience, une ouverture d’esprit, une moindre rigidité de pensée. Elle permet d’accéder au plus profond de ses émotions et de son passé pour aller identifier les sources de ses troubles et faciliter les interventions d’ordre psychologique. Les psychédéliques, finalement, c’est l’interaction entre la pharmacologie et la psychologie.

« En plus d’assouplir la rigidité de pensée, les psychédéliques augmentent aussi la sensibilité à l’environnement : les patients seront davantage capables de ressentir et d’exprimer leurs émotions, ce qui va contribuer à réduire leurs symptômes dépressifs. »

En savoir plus : www-pourquoidocteur-fr.