La dopamine est depuis longtemps dans le collimateur des scientifiques qui travaillent sur des cibles thérapeutiques contre les addictions. Mais, en dépit des milliards d’euros investis, ils n’ont rien découvert de probant pour contrer les effets de ce neurotransmetteur, le plus efficace pour nous rendre accros à la nicotine, aux drogues, à l’alcool, mais également au sport, à la nourriture, à la prise de risques ou aux plaisirs amoureux. Une équipe internationale impliquant plusieurs laboratoires français s’apprête peut-être à changer la donne.
Dans une étude publiée le 20 octobre par la revue « Science Advances » , elle annonce avoir trouvé le moyen de rompre le dialogue délétère qu’entretient la dopamine avec un autre acide aminé, le glutamate, neurotransmetteur le plus répandu et le plus actif de notre système nerveux central. « Nos travaux montrent que le blocage des interactions entre les récepteurs de ces deux protéines protège des comportements pathologiques provoqués par la cocaïne chez le rat », explique Peter Vanhoutte, chercheur CNRS à l’Institut de Biologie Paris-Seine (IBPS) et coauteur de la publication.
Organisation des données
Un circuit neuronal spécifique gère le mécanisme chimique qui attribue aux informations reçues par notre organisme des valeurs de plaisir ou de rejet. La dopamine y organise la circulation des données fournies par trois structures du cerveau : le cortex orbito-frontal, siège de la prise de décision, l’aire tegmentale ventrale, une « usine » à produire de la dopamine, et le noyau accumbens, impliqué dans la motivation. L’expérience qui a permis de mettre en évidence ce complexe « circuit de la récompense » a été menée à partir du milieu des années 1950 par deux chercheurs américains, James Olds et Peter Milner.
Elle consistait à implanter des électrodes dans le noyau accumbens du cerveau d’un rat. En appuyant sur un levier, l’animal pouvait stimuler cette région. Ce qu’il a fait frénétiquement, au point d’en oublier ses besoins fondamentaux et de mettre sa santé en péril… Démonstration venait d’être faite que le noyau accumbens est le centre du plaisir et des addictions : un individu dépendant fait exactement la même chose que les rats de Olds et Milner en stimulant ce circuit de la récompense avec sa propre panoplie d’électrodes que sont les neurotransmetteurs.
Orage dopaminergique
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la relation entre la dopamine et le plaisir. Les plus récentes expériences révèlent une mécanique plus compliquée que ce qu’on croyait n’être que la procuration d’une sensation de bien-être liée à l’accomplissement d’une tâche. Les scientifiques se demandent si la quantité de dopamine libérée par notre cerveau ne dépend pas du potentiel de plaisir à tirer du comportement à venir. Selon leurs dernières observations, l’« orage dopaminergique » ne fait pas suite à un comportement gratifiant mais le précède. La libération de la dopamine serait donc liée à la nouveauté, pour augmenter la motivation à accomplir de nouvelles tâches. La mission première de nos émotions addictives pourrait donc être… de faciliter nos apprentissages !