
Sur le visage de Jérôme Adam, les larmes ne coulent pas. Elles tombent, comme des billes, sur la petite table de la cuisine et sur son pantalon. Dans son appartement du 15e, à Paris, ce jour de décembre, tout est calme. La nuit va bientôt recouvrir Paris. Chloé, sa fille de 13 ans, vient de partir au basket, son sac sur le dos. La digue peut lâcher. Et c’est comme une lame de fond, inépuisable, une déferlante. Larme après larme, un chagrin irrépressible s’égrène sur le jeans de cet entrepreneur de 46 ans. Son frère, Cédric, est mort il y a quinze ans. Mais la tristesse reste immense, mêlée de regrets, de frustrations et d’un sentiment d’inachevé.
Jérôme raconte. Le coup de fil de la femme de ménage, un matin de l’été 2008. « Allô ? C’est Madame Durand. Y a un problème. J’ai retrouvé ton frère allongé sur son lit. Il est pas beau à voir. » Au bout de la ligne, l’infirmier tout juste arrivé, ne donne pas de détails mais Cédric est au plus mal. Jérôme file à la gare de l’Est, prend le train pour Reims où vit son aîné, se rend au CHU, entre dans la chambre. Le jeune homme est inerte sur le lit, dans un coma profond. C’est la fin, Jérôme le sait. Son frère vient d’avoir 35 ans.
Dès l’adolescence, Cédric avait commencé à consommer des drogues, du cannabis d’abord, puis de la cocaïne et de l’héroïne. Des doses de cheval. « À un moment, il était à 2 grammes de cocaïne… c’est énorme. » Des années de toxicomanie, de traitements de substitution, d’alcool. Le corps a trinqué, évidemment. Mais comme souvent, lorsque l’addiction frappe, tout s’emmêle et devient confus.