Toute tentative de concentrer en cent trente planches dessinées une histoire mondiale des drogues semble a priori vaine, et pourtant on n’est pas si loin du compte ici. Bien entendu, il a fallu élaguer, beaucoup, mais tout se tient finalement dans une cohérence historique qui nous fait comprendre que, des usages millénaires de l’opium, du cannabis, de la coca ou des champignons hallucinogènes, à la crise récente des opioïdes, en passant par les drogues de guerres, la guerre à la Drogue, la French Connection, la contre-culture des années soixante, et l’ascension des cartels, des fils se tissent très naturellement.
L’histoire des drogues, c’est une histoire d’hommes ou de femmes qui veulent apaiser leurs douleurs physiques et mentales, communiquer avec les dieux, augmenter leurs performances, ouvrir “les portes de la perception“ ou simplement prendre du plaisir. Toutes ces raisons semblent bien légitimes, et pourtant il n’a été question, du moins et surtout depuis le début du XXème siècle, que d’en faire un sujet de tensions, de tabou, de morale, mais aussi de santé publique, au point que les politiques s’en mêlent pour tenter d’encadrer des usages qui finalement nous échappent malgré tout…
Cette bande dessinée parcourt cette histoire mondiale en s’arrêtant sur dix-huit épisodes qui font autant de chapitres denses mais éclairants sur les représentations sociétales et politiques qui ont construit un “monstre“ appelé “La Drogue“, “fléau des temps modernes“ que l’on a décidé de diaboliser en espérant ainsi l’anéantir ou du moins maîtriser sa rage et sa fureur, en vain…
Une autre approche, peut-être plus apaisée et humaniste, plus proche des personnes utilisatrices de substances psychoactives et de leur histoire personnelle, est nécessaire pour mieux comprendre ce qui se joue dans la sphère intime, sociale et sociétale, et qui fait qu’un récit et un destin collectif se dessinent inévitablement…
Aller fouiller dans l’histoire pour comprendre à quel moment les drogues ont joué un rôle, c’est aller fouiller au fond de ce qui nous constitue, à savoir des êtres de souffrances, de plaisirs, de besoins, d’aspirations et d’adaptation à la violence du monde.
Comment réussir à “se mettre bien“ sans “se mettre mal“ ? c’est toute la question qui occupe et préoccupe l’humanité depuis la nuit des temps, une humanité qui n’a pas fini de tenter de trouver les remèdes à ses maux. Cette histoire dessinée se met à distance des idéologies et n’est pas partisane. Elle tente simplement de revenir en arrière pour éclairer des problématiques universelles…
Thibault de Vivies,
DopamineCity.fr