DROGUES / un numéro thématique de Clinical Pharmacology & Therapeutics sur les nouvelles substances psychoactives et les « cognitive enhancers »

Clinical Pharmacology & Therapeutics est une revue du groupe Nature qui fait partie des toutes premières revues de pharmacologie clinique au niveau international, avec notamment des articles de synthèse qui font autorité. La revue publie sur tous les axes de la pharmacologie, et donc seulement de temps à autres sur des aspects plus ou moins en lien avec l’addictologie.

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schema cerveauClinical Pharmacology & Therapeutics est une revue du groupe Nature qui fait partie des toutes premières revues de pharmacologie clinique au niveau international, avec notamment des articles de synthèse qui font autorité. La revue publie sur tous les axes de la pharmacologie, et donc seulement de temps à autres sur des aspects plus ou moins en lien avec l’addictologie.

Ce mois-ci, un numéro spécial est consacré aux nouvelles substances psychoactives, en particulier aux renforceurs cognitifs, en anglais « cognitive enhancers ». C’est un sujet complexe et passionnant. D’abord, beaucoup d’entre nous utilisons ce genre de produits au quotidien, à commencer par le simple café du matin. Ensuite, ces produits connaissent un vrai essor en médecine, dans des pathologies neurodégénératives telles que la maladie de l’Alzheimer ou la maladie de Parkinson. Les molécules les plus en vogue sont par exemple le donepezil (inhibiteur de la cholinestérase) ou bien le méthylphénidate (psychostimulant).

 

Dans un des articles, des auteurs de l’Université de Cambridge abordent les perspectives médicales de développement de ces produits, et l’impact sociétal qu’ils seraient susceptibles d’entrainer. Tout d’abord, il faut s’attendre à voir arriver sur le marché ce genre de molécules dans les pathologies psychiatriques, par exemple dans la dépression ou la schizophrénie. Les auteurs rappellent toutefois qu’il existent des moyens non-pharmacologiques de renforcement cognitive (par exemple les jeux vidéo ou les techniques de remédiation cognitive), et que l’utilisation de produits pharmaceutiques doit être complémentaire de ce telles mesures non-pharmacologiques. Ils soulignent également que l’utilisation de ces produits peut être liée à des objectifs très divers, depuis des indications médicales de troubles neuropsychiatriques invalidants, jusqu’à des objectifs sociétaux sans lien avec la médecine (performance professionnelle, dopage, etc…). Les enjeux éthiques sont dons très liés à ces objectifs initiaux d’utilisation.

Un deuxième article qui intéressa sans doute les addictologues est intitulé « Novel psychoactive substances: What educators need to know ». Les auteurs, des canadiens de l’université d’Ottawa, rappellent que la plupart des nouveaux produits de synthèse (NPS) ont une pharmacologie encore très imparfaitement connue. Par exemple, les cannabinoïdes de synthèse agissent comme le THC sur le récepteur CB-1, mais les effets cliniques sont différents. Les symptômes psychotiques sont beaucoup plus violents, et parfois très différents de ceux du cannabis (cf. un article récent du New England Journal of Medicine qui décrivait des cas de « zombies » après ingestion de l’un de ces produits). Les subtilités cliniques entre ces produits et le cannabis « traditionnel » sont probablement sous-tendues par des différences d’ordre pharmacologiques, mais celles-ci sont quasiment inconnues à ce jour. Ce constat est vrai pour beaucoup d’autres NPS.

Que faut-il ainsi dire à nos étudiants et surtout aux usagers ? Les auteurs insistent sur le fait de rappeler systématiquement que la parenté pharmacologique entre ces substances et des substances plus anciennes ne signifie aucunement que l’effet est comparable. Quelqu’un qui veut essayer un cannabinoïde de synthèse en pensant qu’il ressentira des effets similaires à ceux du cannabis se trompe. Il est important d’avertir sur ce point les usagers qui auraient de fausses représentations sur ces produits. Par ailleurs, les auteurs insistent sur l’importance de sites internet sérieux pouvant faire du « drug checking ». Tout comme les sites de « fact checking » (très à la mode depuis la dernière élection présidentielle américaine), de tels sites pourraient présenter les connaissances actuelles sur la composition des nouveaux produits et les effets supposés et réels. Ce genre d’initiatives est adapté à un public souvent jeune et très habitué à utiliser les nouvelles technologies de communication. En revanche, les produits et leurs mélanges changent tellement vite que la mise à jour de ce type de site paraît difficile.

Enfin, dans un article de perspective pharmaceutique plus globale, deux auteurs américains (dont l’un travaille chez Pfizer) reviennent sur les enjeux médicaux du renforcement cognitif pharmacologique. Ils soulignent que ce concept n’est pas récent, comme vient le rappeler le terme de « nootropes » introduits dès les années 1960. Ils rappellent également que les molécules actuellement utilisées en neurologie, bien que très en vogue, ont en réalité une faible efficacité sur les performances cognitives des patients. Similairement, les agents glutamatergiques qui devaient révolutionner la prise en charge de la schizophrénie ont finalement fait un flop mondial. Ils soulignent enfin que, dans ce type d’indications, l’effet placebo est sans doute important et reste à évaluer.