En 1954, le tout nouveau président du Conseil, Pierre Mendès France, s’attirait les foudres de Pierre Poujade et avec lui des bistrotiers et vignerons de France, en se faisant servir un verre de lait lors d’une réception officielle aux États-Unis. «C’est une gifle (…) que tout Français a reçue ce jour-là, même s’il n’est pas ivrogne!», s’écrie le syndicaliste. Soixante ans plus tard, c’est une tout autre image qui choque: celle d’Emmanuel Macron avalant une bière «cul sec», samedi soir dans le vestiaire du Stade toulousain vainqueur du Top 14, sous les encouragements des joueurs de rugby.
Geste de communication soigneusement préparé ou spontanéité d’un instant de joie? Sur CNews mardi matin, le porte-parole du gouvernement, ancien ministre de la Santé et neurologue Olivier Véran semblait pencher pour la seconde hypothèse: «Que le médecin qui n’a jamais fait cela une fois dans sa vie me jette la première bière. Le président de la République c’est un homme politique. C’est donc un homme. On nous reproche souvent d’être déconnectés, d’agir de manière robotisée… (…) On n’est pas dans une ascèse absolue, la prévention ça ne veut pas dire zéro consommation, ça veut dire qu’on fait attention à toutes les situations qui peuvent nous mettre en danger, ce qui n’est pas le cas du président de la République.»
Cependant, «un président ne devrait pas faire ça!», a jugé sur twitter le député et porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale Arthur Delaporte, tandis que d’autres dénonçaient un virilisme mal placé ou un comportement digne d’un président d’association étudiante. Ce n’est pas tant le fait de boire une bière qui a choqué, mais de l’avaler d’une seule traite sous les vivats de l’assistance. «On se bat pour ne plus associer le sport et l’alcool, on se bat contre le binge drinking… Et on voit arriver cette image détestable, ce comportement inadapté, puéril, mise en première ligne par notre président! Ce n’est pas un problème de gauche et de droite, c’est un problème de santé publique», s’étrangle ainsi le Pr Mickael Naassila, président de la Société française d’alcoologie et membre du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (Université de Picardie Jules Verne/Inserm). «Le président de la République a une valeur d’exemple en matière de comportement de santé, a pour sa part commenté sur BFMTV Bernard Basset, président de l’association Addictions France.
