La recherche en addictologie concernant l’efficacité des traitements pour le trouble de l’usage d’alcool ou d’autre substance s’est généralement concentrée sur les changements dans la consommation d’alcool et de drogues (pourcentage de jours d’abstinence, nombre de jour d’alcoolisation massive, etc). Une attention moindre a été portée aux changements dans le fonctionnement ou le bien-être des patients. Peu de données sont actuellement disponibles sur la dynamique d’amélioration de ces indices de qualité de vie lors de l’abstinence, ni sur d’éventuels facteurs prédicteurs de cette amélioration. Une meilleure connaissance de ces phénomènes améliorerait la compréhension des étapes du « rétablissement » dans les suites d’un sevrage et lors d’une période d’abstinence, permettrait de souligner des facteurs de vulnérabilités ou de consolidation de cette amélioration.
Les données de cette étude transversales sont issues d’un échantillon national d’adultes américains ayant un antécédent de trouble de l’usage de substance résolu (abstinence), sélectionnés par l’obtention d’une réponse positive à la question « Avez-vous déjà eu un problème d’alcool ou de drogues par le passé, mais qui n’est plus présent aujourd’hui ? » ( 63,4 % de taux de réponse parmi les 39 809 personnes interrogées ; puis établissement d’un échantillon pondéré final, pour être représentatif de la population générale américaine : n = 2 002). Des études de régressions ont permis d’évaluer les relations entre la durée d’abstinence et 5 mesures du bien-être : qualité de vie, bonheur, estime de soi, capital de récupération et détresse psychologique. Deux sous-groupes de patients ont été distingués : ceux dont le trouble de l’usage de substance avait été résolutif dans les 40 dernières années, et ceux dont le trouble de l’usage de substance était plus récent (5 dernières années). Des facteurs modérateurs ont été testé : sexe, race, substance concernée.
Pour le groupe de patient ayant présenté un trouble de l’usage de substance ancien (dans les 40 dernières années), les indices de bien-être augmentait de manière importante pendant les 6 premières années d’abstinence (et les indices de détresse chutaient brutalement), puis de manière plus progressive sur les années suivantes. Pour les patients dont le trouble de l’usage était plus récent (dans les 5 dernières années), on observait des baisses significatives de l’estime de soi et du bonheur (happiness) durant la première année, suivies augmentations.
Les patients qui consommaient de l’alcool et du cannabis étaient ceux qui récupéraient le mieux en terme de qualité de vie sur les premières années comparativement à ceux qui consommaient des opiacés ou d’autre drogues. Les femmes présentaient constamment des indices de bien-être plus faibles que les hommes au cours du temps.
L’abstinence dans les suites d’un trouble de l’usage de substance est donc associée à une amélioration linéaire dynamique des indices de bien-être et qualité de vie, à l’exception de la première année où l’estime de soi et le bonheur diminuent d’abord, avant de s’améliorer. Dans les phases précoces, les femmes, et ceux qui souffrent de problèmes liés aux opioïdes et aux stimulants semblent faire face à des difficultés particulières qui suggèrent un besoin d’aide accrue et spécifique.