Le scorbut, ou déficit en vitamine C ayant des répercussions cliniques (fatigue, douleurs musculaires, lésions dentaires et dermatologiques), est défini par un taux de Vitamine C (acide ascorbique) plasmatique inférieur à 2 mg/L. On qualifie d’insuffisance en Vitamine C des taux compris entre 2 et 4.99 mg/L, et de taux normaux au-delà de 5 mg/L.
Le scorbut a quasiment disparu dans nos pays industrialisés du fait de l’accès à une nourriture abondante en particulier à des fruits et légumes frais. Il s’observe encore dans certaines populations de patients âgés atteints de maladies neurodégénératives ou chez des personnes sans domicile fixe, mais également chez des patients alcoolo-dépendants sévères.
Notre équipe (1) a réalisé des mesures de divers paramètres nutritionnels chez des patients entrant en sevrage hospitalier d’alcool dans l’unité de Médecine Addictologique de l’Hôpital Fernand Widal à Paris. Ce service accueille des patients alcolo-dépendants sévères, parfois en aval direct des services d’urgence de groupe hospitalier.
Les 96 patients inclus pendant les 3 mois de l’étude étaient majoritairement des hommes (77%), âgés en moyenne de 49 ans [24-79], avec des consommations d’alcool moyennes de 225 grammes par jour avant l’hospitalisation. Ils étaient également à 80% fumeurs de tabac. On peut noter que 33% étaient socialement très précaires, dont une moitié de patients sans domicile fixe hébergés en foyer et l’autre moitié vivant à la rue.
Dans cet échantillon, la proportion de patients présentant un déficit en Vitamine C à l’entrée en hospitalisation était de 28%, et par ailleurs 23% des patients présentaient une insuffisance de Vitamine C. Les facteurs associés à ces carences étaient le sexe masculin, l’absence d’hébergement, le fait de présenter une cirrhose. Il n’y avait pas d’effet du niveau de consommation d’alcool ou du tabagisme associé.
Un autre résultat important de cette étude est à noter. Il s’agit de l’association entre la présence d’un déficit en Vitamine C et l’existence de troubles cognitifs dépistés par le questionnaire MoCA à plus de 10 jours du sevrage. Même si de multiples facteurs entrent en compte dans l’aggravation des troubles cognitifs liés à l’alcool, et puisque la Vitamine C a un important rôle antioxydant et neuroprotecteur face à l’hyperglutamatergie du sevrage, notre étude plaide pour le dépistage et surtout le traitement large des déficits et insuffisance en Vitamine C des patients alcoolodépendants les plus sévères. Ce traitement peut consister en l’administration de Vitamine C pharmaceutique, mais aussi en un apport naturel de Vitamine C par une alimentation enrichie en fruits et légumes frais dans les unités d’hospitalisation.
Par Florence Vorspan