Impact d’un prix plancher par unité d’alcool sur un service des urgences en Irlande.

Alcool

Introduction :

C’est en ce moment le « Défi De Janvier », le mois où les Français devraient prendre conscience de l’impact de l’alcool sur leur santé en faisant une pause dans leur consommation. Par conséquent, ce mois-ci nous parlerons d’alcool et de santé publique.

Pour rappel, en France, l’alcool, c’est :

  • 41 000 morts/an
  • un « coût social » évalué à 102 milliards d’euros (1)
  • des taxes spécifiques (hors TVA) dérisoires (ex : 3 centimes d’euros la bouteille de 75 cl de vin, entre 0,9 et 1,8€/litre de spiritueux et entre 5 et 10 centimes d’euros pour 10 grammes d’alcool.

Plusieurs pays misent désormais sur un prix minimum de vente par unité d’alcool avec pour objectif de limiter, par le porte-monnaie, la consommation et les dommages associés.

En janvier 2022, l’Irlande, 5 millions d’habitants, a imposé un prix minimum d’1€ par unité d’alcool (= 10 grammes d’éthanol comme en France).

Les hospitalisations liées à l’alcool leur coûtent 1,5 milliards d’euros par an, soit 7 % des dépenses de santé. Selon une précédente publication, 6 % de l’activité des urgences était liée à l’alcool.

L’objectif de cette étude est de montrer l’impact avant/après de ce prix plancher sur les urgences médicales d’un hôpital qui dessert une population peu favorisée de 290 000 personnes vivant au nord de Dublin.

Méthodes :

Deux périodes (hors vacances scolaires) de 15 jours ont été définies. Le même praticien a vu tous les patients qui arrivaient aux urgences entre 16h-4h du matin (tous les jours de cette période) pour leur faire passer un entretien. Cet entretien comportait un bref historique clinique, posait la question de leur boisson alcoolisée préférée et se concluait par le test AUDIT-C (échelle de dépistage validée et spécifique d’analyse du risque d’addiction à l’alcool). A l’issu de l’entretien, le mésusage de l’alcool était identifié ou non et catégorisé : aigu ou chronique.

Résultats :

725 patients inclus (73 % des venues totales) avec 53,8 % de femmes, AUDIT-C médian à 3. Pas de différence du nombre de venue selon les jours. Répartition identique entre période 1 et 2.

Parmi les patients ayant un usage problématique d’alcool (19,4 %) :

  • 63 % sont des hommes (p<0.001).
  • Surtout des 40-50 ans (p<0.01).
  • AUDIT-C médian à 9.
  • Plus souvent le jeudi ou samedi.
  • Motifs : 33 % pour blessures, 20 % douleur thoracique, 16 % troubles psy.
  • 40 % avaient consommé de la bière, 24 % du vin, 20 % des spiritueux…

 Il y avait moins de visites liées à l’alcool en période 2 qu’en période 1 (-6,7% ; p=0.02) mais les cas semblaient plus graves en période 2.

Discussion/Conclusion :

Cette étude confirme que l’alcool est une problématique importante aux urgences puisqu’elle concerne presque un patient sur 5 dans cet hôpital.

Le prix plancher d’une unité d’alcool a un impact sur les venues liées à l’alcool.

En revanche, concernant l’augmentation des cas graves, l’une des hypothèses serait que ces personnes, limitées financièrement, mangeraient moins en consommant, ce qui augmenterait la toxicité de l’alcool.

Cette étude présente toutefois de nombreuses limites (mono centrique, faible échantillonnage…) mais ses résultats vont dans le sens des autres études publiées sur le sujet, à savoir que l’augmentation du prix de l’alcool protège nos concitoyens.

A titre d’exemple, en France, cela pourrait vouloir dire plus aucune bouteille de vin à moins de 7 € et les bières fortes à 8,6° auraient un prix qui pourrait tripler pour les moins chères.  

Par Mathieu Chappuy

Lien vers l’article original

(1) : https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/le-cout-social-des-drogues-en-france/