Prix minimum de l'alcool : des résultats probants en Ecosse sur la baisse des décès et des hospitalisations

Alcool
Introduction : Il n’est jamais inutile de rappeler que l’alcool est responsable de 41 000 morts évitables chaque année en France selon une étude publiée en 2019. Selon le tableau de bord de l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives), les volumes vendus sur le territoire français représentent environ 6 millions d’hectolitres d’alcool pur (AP) en 2021 avec la répartition suivante :
  • vin (54 %),
  • bières (23%),
  • spiritueux (21%).
Soit en moyenne de 10,5 litres d’alcool pur par habitant âgé de 15 ans et plus, soit l’équivalent de 2,3 verres standards d’alcool par jour. En France, en 2021, les taxes spécifiques alcool imposées sur le vin sont dérisoires puisqu’elles s’élèvent à 3,91€/hl (NB : 1 hl = 100 litres). Soit 3 centimes d’euros la bouteille de 75 cl. Elles sont de 1 802,64€/hl d’AP pour les spiritueux, sachant que le rhum de nos départements d’outre-mer bénéficie d’une ristourne de 50 % sur cette taxe. Enfin les bières, sont taxées à hauteur de 7,68€/degrés/hl pour les gros producteurs. Les producteurs plus modestes (<200 000 hl, soit 20 000 m3) bénéficient eux aussi d’une ristourne de 50 %. Ainsi un demi (25 cl) d’une bière à 5° (= 1 unité d’alcool) est taxé à hauteur de 5 à 10 centimes tandis qu’une 8,6° de 50 cl (= 3,5 unités) est taxée de 18 à 35 centimes soit également 5 à 10 centimes l’unité d’alcool. En mai 2018, l’Ecosse (5,5 millions d’habitants) a imposé un prix minimum de 0,50£ par unité (0,57€) pour les alcools vendus au public avec pour objectif de protéger sa population des méfaits de cette drogue légale. (NB : au Royaume-Uni, une unité = 10 mL d’alcool pur = 8 grammes, en France, c’est 10 g). Par conséquent, le prix minimum serait équivalent à 70 centimes d’euros par unité française. L’objectif de cette étude est de montrer l’impact de ce prix plancher versus leurs voisins anglais et gallois qui eux n’avaient pas cette taxe. Les chercheurs ont comparé l’avant et l’après en se basant sur les hospitalisations et la mortalité de 2012 à avril 2018 puis de mai 2018 à fin 2020. Résultats :
  • Baisse de 13,4 % des décès liés à l’alcool soit 156 décès en moins. A noter cependant qu’il s’agit des décès par maladies liées à l’alcool, car les décès de cause violente (accident de la route par exemple) n’ont pas diminué.
  • Baisse de 4,1 % des hospitalisations, mais baisse non significative (p = 0,064).
  • Baisse de 7,3% des hospitalisations liées aux maladies chroniques liées à l’alcool.
Concernant les décès, la baisse est retrouvée aussi bien chez les hommes que les femmes et concerne essentiellement les plus de 65 ans et les plus précaires. Concernant les hospitalisations, la baisse est retrouvée chez les hommes, mais pas chez les femmes. Discussion/Conclusion : Cette étude confirme que le prix plancher d’une unité d’alcool a un impact sur les décès et hospitalisations en limitant l’accessibilité au produit dont les premiers bénéficiaires sont les plus fragiles et les plus précaires. En revanche, l’augmentation des causes violentes (bien que non significative), pourrait s’expliquer par la pression économique de prix minimum qui pousserait les personnes à moins consommer d’aliments en buvant, ce qui entrainerait plus facilement des intoxications aigues/accidents/hospitalisations. Une précédente étude avait montré que ce prix minimum avait permis de réduire de 3% les ventes d’alcool. Une autre étude a également montré un effet protecteur de cette mesure, pendant la période COVID, où il y a eu une augmentation des décès liés à l’alcool de 7% en Angleterre contre 4 % en Ecosse. En conclusion, augmenter les prix de l’alcool, protège nos concitoyens. Pour illustrer la mesure, extrapolons à un pays comme la France. 13 % de décès en moins, c’est plus de 5 000 vies sauvées par an. A 0,70 €/unité, c’est quasi aucune bouteille de vin  à moins de 5 €, exit donc les vins premiers prix. Une 8,6° à 2,5 € ce qui double facilement le prix d’achat de cette dernière. Une bouteille de vodka (37,5 unités), vendue en supermarché moins de 20 € vaudrait au minimum 25€. Ne faudrait-il pas instaurer une telle mesure ? Par Mathieu Chappuy