Incitation financière à l’arrêt de la vape à l’université et évaluation de kits de contrôle salivaire d’absence de cotinine pendant 2 semaines

Tabac

La vape est populaire depuis quelques années, et parmi les jeunes en particulier, après la mise sur le marché de la Juul en 2018. L’engouement pour les sels de nicotine a été important, mais de courte durée. En 2020, la survenue de pneumonies lipidiques associées à la vape a réduit le recours à la vape comme mode de sortie du tabagisme ; le CDC d’Atlanta a mis plusieurs mois avant de préciser que la présence de THC et d’acétate de Vitamine E étaient responsable de cette maladie nommée EVALI (Ecigarette Vaping Associated Lung Injury). La vaporisation d’huile de THC entraînait la migration de gouttelettes lipidiques au niveau des macrophages des cellules alvéolaires (2).

Le sevrage tabagique peut être objectivé par le contrôle de la présence de CO dans l’air expiré ou par le dosage de la cotinine (métabolite de la nicotine) dans le sang, la salive ou les urines. Avec la vape, il n’y a pas de combustion et donc pas de CO. Le sevrage de la vape ne peut donc être objectivé que par le dosage de la cotinine.

Bethany Raiff et ses collaborateurs proposent d’inciter financièrement de jeunes vapoteurs à s’arrêter de vapoter et de contrôler ce sevrage à l’aide de kits de contrôle salivaire pour négativer la présence de cotinine salivaire.

Ils ont recruté des étudiants de l’université de Rowan (état du New Jersey) par email (liste de diffusion de l’université), et ont inclus :

  • des étudiants âgés de 18 à 35 ans,
  • vapoteurs depuis au moins 6 mois, et ayant vapoté au moins 25 des 30 derniers jours,
  • désirant s’arrêter de vapoter (une note d’au moins 8 sur une échelle allant de 1 à 10),
  • ayant accès à un chat vidéo en ligne (pour les téléconsultations).

Chaque étudiant a reçu les 2 kits de contrôle salivaire, NicAlert et Alere iScreen, ainsi que la procédure d’attribution d’argent lorsque le test de recherche cotinique était négatif :

  • un bonus initial de 2$, puis
  • 5$ pour chaque test ultérieur négatif soit 7 $, 12$, 17$, 22$, 27$ et 32$, avec un retour au bonus initial de 2$, si un test est oublié ou se révèle positif.

Au total, chaque participant pouvait gagner jusqu’à 140$, versé sur le compte bancaire, et utilisable dès que la somme de 10$ avait été gagnée.

Le contrôle salivaire était effectué lors des chats vidéo, avec une évaluation de signes de manque (de nicotine) et une intervention brève pour gérer les envies et éviter la rechute.

50 étudiant.e.s ont complété le questionnaire et 22 étaient éligibles selon les critères d’inclusion ; l’étude préliminaire de « faisabilité » du design a concerné 8 étudiants (6 filles), ayant 20 ans en moyenne, et vapotant depuis 3 ans en moyenne.

6 d’entre eux ont trouvé le test iSCreen plus facile à utiliser, et les 2 autres n’avaient pas de préférence entre les 2 tests proposés.

Cette étude préliminaire de faisabilité (sevrage du vapotage contrôlé par un test salivaire, avec une incitation financière) auprès d’un public de jeunes vapoteurs (20 ans en moyenne) est intéressante, et mérite d’être confirmée sur un échantillon plus important et représentatif de la population de vapoteurs.

En 2019, Jesse Dallery et Bethany Reiff (3) avaient déjà eu recours à la gestion des contingences (« contingency management », à l’incitation financière chez les fumeurs de tabac : le sevrage tabagique était objectivé avec le CO-Testeur, 2 fois par jour, lors de chats vidéo.

En France, cette approche a été proposée par Ivan Berlin (4) dans le sevrage tabagique de la femme enceinte, avec une incitation financière, et un contrôle tous les mois de la grossesse et après l’accouchement. Nous attendons les résultats de cette étude avec intérêt.

Ces techniques de renforcement positif ont aussi été utilisées par Jean-François Etter, à l’université de Genève :

  • 400 hommes et femmes tabagiques ont accepté un sevrage tabagique avec un suivi à 1, 2 et 3 semaines, puis à 1, 3 et 6 mois avec une mesure du CO dans l’air expiré et un dosage de la cotinine salivaire ;
  • 400 hommes et femmes tabagiques ont eu accès pendant 6 mois à un site internet d’aide au sevrage tabagique.

Le taux d’abstinence continue entre 6 et 18 mois était de 9,5% dans le premier groupe et de 3,7% dans le second ; le taux d’abstinence sur 7 jours à 3, 6 et 18 mois était toujours bien plus élevé dans le groupe d’incitation financière, qui pouvait représenter 1650$.

Une piste intéressante à suivre, à l’heure où certains pays proposent aussi un intéressement financier pour la vaccination contre la Covid19, comme les Etats-Unis.

 

Références bibliographiques

1 Vallone D.M., Bennett M., Xiao H., Pitzer, L. et al. (2019). Prevalence and correlates of JUUL use among a national sample of youth and young adults. Tobacco Control, 28(6), 603–609.

2 Adhikari R., Koritala T., Gotur R., Malayala S.V. et al. (2021). EVALI – E-Cigarette or Vaping Product Use-Associated Lung Injury: A Case Report. Cureus. 2021 Feb 24;13(2):e13541. doi: 10.7759/cureus.13541. PMID: 33815967; PMCID: PMC8007202.

3 Dallery J., Raiff, B.R., Grabinski, M.J. et al. (2019). Technology-Based Contingency Management in the Treatment of Substance-Use Disorders. Perspect Behav Sci 42, 445–464.

4 Berlin N., Goldzahl L., Jusot F., Berlin I. (2016). Protocol for study of financial incentives for smoking cessation in pregnancy (FISCP): randomised, multicentre study. BMJ Open. 2016 Jul 26;6(7):e011669.

5 Etter J.F., Schmid F. (2016). Effects of Large Financial Incentives for Long-Term Smoking Cessation: A Randomized Trial. J Am Coll Cardiol. 2016 Aug 23;68(8):777-85. doi: 10.1016/j.jacc.2016.04.066.

 

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)

2 – 7ème Centre Médical des Armées (Antennes de Varces et Chambéry)

3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)

 

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