Influence de la politique en matière de drogues dans les pays nordiques : quel impact sur les usages? Un article publié dans The International Journal of Drug Policy.

Dans cette publication récente de IJDP, Kim Moeller, du Département de Criminologie de Malmö en Suède, cherche à montrer comment la répression des drogues a évolué au fil du temps dans quatre pays nordiques (Danemark, Finlande et Norvège environ 5 millions d’habitants/pays, et Suède environ 10 millions d’habitants), et comment ces mesures de répression ont eu une conséquence sur les niveaux d’usage. Il se base sur les chiffres de l’observatoire européen des drogues avec une période contrôle (années 1980/1990) versus entre 2000 et 2016.

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Quatre questions sont posées : Y a-t-il eu plus de saisies ? Dans quelle proportion selon la drogue ? Combien concerne le cannabis chez les jeunes (15-34 ans) ? Et enfin quelle conséquence sur les usages, notamment en matière de cannabis ?

Concernant les saisies, dans leur globalité, elles ont diminué de 22 %. Il n’y a pas d’évolution au Danemark avec en moyenne 2,5 saisies pour 1000 habitants et une petite augmentation en Norvège (+ 18 % passant de 3 à 3,5 saisies). La Finlande qui faisait le moins de saisie (0,5) a progressé de 176 % et à l’inverse, la Suède (pays le plus peuplé de l’étude) a diminué de 57 % avec 1,75 saisies.

Concernant les saisies par type de drogues, c’est en Norvège que les amphétamines sont majoritaires (34 %) contre moins de 17 % au Danemark. Concernant le cannabis, la Norvège termine également première (40 %) contre moins de 14 % en Finlande. La cocaïne est très majoritairement saisie au Danemark (56 %) contre seulement 3 % en Finlande. L’ecstasy est présente assez équitablement entre ces quatre pays même si la Norvège fait deux fois plus de saisies (32 %) que la Suède (16 %). Enfin l’héroïne est majoritairement saisie en Norvège (55 %) contre moins de 4 % en Finlande.

Concernant le cannabis chez les jeunes, c’est au Danemark que la prévalence est la plus élevée (15 %) contre 9 % en Norvège, 8 % en Finlande et 6 en Suède. Si on rapporte à la population et aux nombres de saisies, c’est au Danemark et en Finlande que les saisies sont les moins nombreuses. En revanche, c’est en Norvège que les saisies sont les plus nombreuses (presque trois fois plus fréquente qu’en Finlande). Les autorités norvégiennes et suédoises semblent moins tolérantes que les danoises.

Au final l’auteur conclu que la Finlande et la Suède ont changé leur politique entre ces deux périodes d’observation alors que la Norvège et le Danemark sont restés dans leur continuité. Le nombre de saisies reflète à la fois la politique de répression et la prévalence d’usage de ces drogues dans ces pays. En effet, la Finlande et la Suède auraient une « tradition » liée aux amphétamines qui pourrait expliquer que les forces de l’ordre se focalisent principalement sur ces substances. Concernant le cannabis, son usage est en pleine augmentation depuis les années 1990 et certains pays ont assoupli leur politique de répression ce qui se traduit par un taux de saisie qui n’est pas corrélé à l’augmentation de la prévalence.

Cette analyse ne prend pas en compte l’aspect judiciaire des sanctions qui pourrait influencer l’usage mais également les saisies de drogues. Par conséquent, il y a un biais dans la représentativité de la politique de répression. La Suède a par exemple allégé ses contrôles mais à augmenter les peines encourues. L’étude ne permet pas de connaitre l’impact de ces peines alourdies sur la consommation et donc les saisies.

En conclusion, même si ces quatre pays sont souvent appeler les « nordic sisters » avec une histoire commune, un développement social, économique et écologique assez proche, il n’en reste pas moins des disparités dans les politiques de drogues et de consommations de celles-ci.

Cette étude sur des pays faiblement peuplés montre bien que même en ayant une situation géographique, politique assez proche, les « traditions locales» de consommation sont assez prépondérantes et qu’il est difficile d’extrapoler les données d’un territoire ou pays à une région du monde même voisine. Cette variabilité est visible au sein même d’un pays. Par exemple en France, l’enquête régionale ESCAPAD 2017 chez les jeunes de 17 ans montre des différences significatives entre régions selon les produits.

Un article de Mathieu Chappuy

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