Interventions des patients experts pour réduire l’usage à risque d’alcool au sein de l’armée américaine

Une étude parue dans la revue Addiction.

Alcool

Dans le champ des addictions, les patients experts offrent une opportunité inédite de coopération entre soignants et patients. Leur plus-value, qui n’est plus à démontrer surtout en Amérique du Nord depuis plus de 30 ans, est aussi reconnue au sein de l’armée des Etats Unis. Les conduites à risque en matière de consommations d’alcool, enjeu majeur de santé publique, sont aussi retrouvées chez les militaires, comportement souvent fondé sur la conviction que boire ensemble est une force positive pour la cohésion et la bonne camaraderie. Des comportements comme le Binge Drinking ont été rapportés et très souvent sont sources de graves conséquences physiques et sociales, générant des accidents et des comportements agressifs.

Une étude interventionnelle randomisée faisant intervenir des patients experts a été proposée par Blow et al, 2023 au sein d’un service de soin de la garde nationale (Army National Guard) dans le Michigan (US). La cohorte comprenait 739 participants dont 84% étaient des hommes, avec un âge moyen de 28 ans présentant une consommation récente d’alcool dite « à risque ». Les participants occupaient des postes de tous grades parmi eux, des soldats de combat, des militaires de réserve et des membres des services administratifs répartis sur 41 départements.

Pour ce suivi pendant un an, les participants ont été randomisés dans l’une des trois prises en charge suivantes :

1) Intervention brève complétée par des sessions de soutien de 30 à 40mn dispensées en ligne,
2) Intervention brève complétée par des sessions de soutien réalisées par des patients experts ; ou
3) Soins habituels adaptés à cette population. Le critère de jugement principal visait à évaluer tous les 3 mois sur 12 mois le nombre d’épisodes de Binge Drinking des 30 derniers jours.

Les critères d’évaluations secondaires mesuraient la consommation excessive d’alcool à 4 et 8 mois, ainsi qu’une estimation du total des boissons consommées durant les 30 derniers jours (quantité × fréquence), la collecte des scores des échelles AUDIT et le SIP (Sickness Impact Profile : critères de qualité de vie de type relationnel, intrapersonnel, physique ou social) à 4, 8 et 12 mois.

Les auteurs ont tout d’abord montré que, quel que soit le bras de patients, des taux de suivi ont été très élevés (entre 71 et 81% de rétention en soin) par rapport à ceux rapportés dans d’autres études sur des populations militaires. Les épisodes de Binge Drinking pour le groupe suivis par les patients experts sont passés d’une moyenne de 5,2 épisodes par mois à seulement 2,6 épisodes à l’issue des 12 mois de suivi, et de 4,2 à 2,8 épisodes pour le groupe suivi par Web. Le groupe en suivi habituel n’a montré aucune baisse significative des épisodes de Binge Drinking : de 4,2 au départ à 4,0 en fin de suivi.

Les résultats de l’étude ont suggéré que, les patients ayant bénéficié de l’intervention de patients experts comme ceux ayant suivi le soutien en ligne ont rapporté significativement moins de jours de consommation excessive d’alcool sur les 12 mois de suivi par rapport au début de l’étude. Pas de différence significative en termes de consommations d’alcool (quantité × fréquence) était détectée entre les patients suivis par les patients experts et ceux par web, cependant les consommations de ces deux groupes restent inférieures à ceux en suivi habituel.

Comparé au suivi habituel, les deux autres groupes avaient des scores AUDIT significativement inférieurs à 12 mois par rapport au départ. Seul le groupe suivi par les patients experts avait un score de l’échelle SIP significativement plus faible à 12 mois par rapport à la ligne de base. L’étude a également montré que la présence des patients experts a eu un impact positif sur la consommation d’autres substances psychoactives par rapport aux deux autres groupes même si l’étude n’a pas été conçue pour de telles mesures.

In fine, cette étude a montré que des interventions brèves complétées par des soutiens en ligne ou par des interventions de patients experts permettaient une réduction significative de la consommation d’alcool parmi une population militaire.

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Par Nathalie Enjolras

Patiente-experte en addictologie, ingénieure, habilitée à diriger des recherche (HDR), Service Universitaire d’Addictologie de Lyon, Hospices Civils de Lyon