"Je ne fume plus!" La solidarité des défumeurs

Un article de Françoise Gaudel, administratrice du groupe JeNeFumePlus! et présidente de l'association France Patients Experts Addictions.;

Tabac

Mars 2020, groupe « Je ne fume plus ! », 17 500 membres.

Un groupe de défume pendant le confinement

Et cette grande peur qui balaie, violente, hors les mots.

Très vite, nous informons. Un post spécial complété chaque jour, avec des articles spécifiques aux pathologies, aux situations, aux conseils, aux consignes. Des lives qui répondent aux questions clairement et simplement.

Très vite, nous ouvrons des espaces de parole.  Le post « je donne des nouvelles » où des centaines de témoignages de confinement s’entrecroisent. D’autres posts pour dire, pour exprimer, pour se faire aider, pour partager des idées, des activités, des conseils. La solidarité s’organise.

Ici, dans cet espace faisant lieu d’échange, on entend les craintes, pour soi, pour ses enfants, pour l’avenir. Un avenir qui se coince dans les mois qui arrivent. Une peur sourde, au fond de soi, qui s’exprime en mots parfois associés de pleurs.

Fumer pour conjurer la peur

Une immense émotion collective qui entraine des défumeurs, mais aussi les fumeurs présents sur le groupe : et la réponse vient, automatique, inscrite dans les histoires. Fumer. Refumer. Parce que l’effroi appelle la clope.

Parce que les peurs se déclinent en croyances, certains arrêtent les substituts ou la vape. Avec toujours les mêmes refrains, qui font des dégâts terribles. « La faute à la nicotine » lit-on sur un article posté sur un journal « putaclic et à fric » et c’est l’incendie. Le « cold turkey » revient en masse avec la suite, logique, terrible : reprise du tabac fumé.

On n’appelle pas ça des rechutes, le mot serait mal choisi. Ce sont des effondrements de défume, des arrêts nets du sevrage, liés à une émotion qui coupe le souffle et l’envie de sortir d’une addiction au tabac fumé. Comme si survivre en fumant, le tabac comme un remède à l’émotion, inscrit si profond dans nos inconscients.

Vient alors l’autre peur, celle de la punition : les fumeurs seraient plus fragiles et atteints de complications plus graves. Les familles qui s’inquiètent, qui font injonction « ne fume plus, tu vas mourir ».

Tout cela se mélange, dans une charge émotionnelle qui balaie les messages de raison, et même parfois ceux auxquels les défumeurs se sont accrochés pour arrêter. Les économies, les années de vie gagnées, les bénéfices du sevrage perdent soudain leur sens.

Et puis, il y a tous ceux, si nombreux, qui souffrent de pathologies chroniques. BPCO, cancers, diabètes, maladies cardiovasculaires… Qui réclament une aide qu’ils n’ont pas. Qui se disent comme les morts de demain, les oubliés, les exclus d’un système de santé d’urgence. Ceux-là qui écrivent leur désespoir et leur peur.

Il y a toutes les personnes suivies pour des soucis psychologiques qui perdent parfois pied.

Être ensemble

Un groupe, c’est entendre tout cela.

C’est donner un espace où toutes ces émotions, tous ces vécus, de personnes parfois très isolées, peuvent se dire, s’exprimer, se partager.

Un groupe c’est organiser la solidarité qui fait ciment depuis toujours dans le sevrage. C’est utiliser cette confiance pour faire entendre les messages essentiels, ceux qui protègent, ceux qui soutiennent, ceux qui limitent les risques, ceux qui donnent une information claire et précise.

Un groupe c’est pouvoir exprimer une angoisse et avoir des réponses de soutien.

Un groupe c’est apprendre. Pouvoir dire mais apprendre à ne pas glisser dans une terreur qui balaie les sevrages.

Un groupe c’est la solidarité, une immense amitié. Les chansons se partagent, les recettes, les tutos, les câlins virtuels réchauffent les cœurs.

Mars 2020. Un groupe de défume. Les messages montrent les liens, puissants, que peut créer un espace virtuel de sevrage.

« J’ai envie de fumer plus que d’habitude, donc je mange…
Quoiqu’il arrive juste pour aujourd’hui je ne fumerai pas.
Je vous aime et ça c’est contagieux !
Merci à vous d’être dans ma vie. »

Nous sommes nombreux à nous mobiliser pour soutenir les défumeurs. Plus que jamais, un espace où dire et se faire aider prend son sens.

On le sait tous. Demain sera différent. Mais ce qui compte pour nous, pour tous ceux qui accompagnent des personnes en sevrage, c’est aujourd’hui. Alors on continue. Ensemble.

Pour vous rendre sur le groupe Je ne fume plus!  c’est ici