La partie antérieure de l’insula joue un rôle clé dans la régulation des processus de prise de décision associés aux addictions

Les déficits de prise de décision sont fréquemment observés chez les patients souffrant de troubles psychiatriques, et notamment chez les patients souffrant d’addictions. Il existe des différences interindividuelles importantes..

Les déficits de prise de décision sont fréquemment observés chez les patients souffrant de troubles psychiatriques, et notamment chez les patients souffrant d’addictions. Il existe des différences interindividuelles importantes en termes de prise de décision, qui pourraient ainsi constituer des endophénotypes potentiels pour les addictions (endophénotypes = traits cliniques ou biologiques spécifiques d’un trouble, qui ne sont pas modifiés au cours de l’évolution de la maladie, et qui sont également présents chez les apparentés de malades ; d’une manière plus générale, il s’agit de facteurs de vulnérabilité de troubles addictifs).

Un nombre croissant de données scientifiques souligne le rôle clé de l’insula (structure cérébrale impliquée dans les processus émotionnels et les processus interoceptifs) dans le contrôle de ces processus de prise de décision, mais peu de travaux avaient jusqu’alors porté sur l’étude de l’insula en tant que structure pouvant contribuer à ces différences inter-individuelles de prise de décision.

Dans cet article, l’équipe de David Belin (Université de Cambridge) démontre ici le rôle clé que joue l’insula dans la modulation des processus de prise de décision, qui sont fréquemment associés aux addictions. En utilisant un modèle animal (rats), ces chercheurs ont évalué les processus de prise de décision à l’aide d’une adaptation pour les animaux de l’Iowa Gambling Task (test classique permettant d’évaluer les processus de prise de décision au travers d’un jeu de hasard et d’argent). Au cours de cette première évaluation, les rats étaient catégorisés en fonction de leurs capacités à prendre des décisions (faible ou élevée). Après avoir altéré l’insula antérieure d’une partie de ces rats (lésions bilatérales), ces mêmes capacités de prise de décision étaient évaluées dans les deux groupes, en comparant ces résultats à un groupe « contrôle » (sans lésion de l’insula).

De manière intéressante, ces chercheurs ont pu constater que les animaux ayant eu une lésion présentaient une évolution différente des animaux non opérés en termes de capacité de prise de décisions, avec des résultats différents entre les animaux selon leur capacité initiale à prendre des décisions. Chez les animaux ayant des capacités de prise de décisions élevées avant chirurgie, on observait après l’opération une chute de ces capacités de prise de décision. A l’inverse, chez les animaux ayant des capacités de prise de décisions faibles avant chirurgie, on observait une amélioration des capacités de prise de décision. Ces résultats n’étaient pas attribuables à des différences de motivation ou de flexibilité cognitive.

Ces résultats suggèrent que les activations de l’insula antérieure pourraient expliquer les différences inter-individuelles préexistantes à une maladie en termes de prise de décision de type « cout-bénéfice », puisque l’insula pourrait aider à guider ce comportement en nous communiquant une information quant à la perception que nous avons de nous-même (processus interceptifs). Ce travail ouvre la voie à d’autres travaux dans ce domaine, qui pourront explorer le rôle potentiel de ces différences interindividuelles en tant qu’endophénotypes potentiels de troubles addictifs.

Par Paul Brunault

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