Les complications liées à l’usage d’alcool sont fréquentes chez les jeunes et constituent un fardeau considérable pour les sociétés sur le plan de la santé publique et médico-économique. Elles sont diverses : intoxications aigues, blessures, accidents de la route, violence, … Plusieurs caractéristiques sont prédictrices de ces complications chez les jeunes. On retrouve par exemple comme facteurs individuels, la propension à prendre des risques, l’impulsivité, l’existence d’une pathologie mentale, d’une faible maîtrise de soi ou d’autres indicateurs psychosociaux. Sur le plan environnemental, on peut citer les habitudes culturelles de consommation d’alcool chez les jeunes, les réseaux de pairs, l’accessibilité à l’alcool et le marketing social. Un autre facteur environnemental important est celui du rôle des parents dans l’expérimentation de l’alcool par le jeune, et notamment quand ils en fournissent ou en facilitent l’accès.
La question de l’accès à l’alcool est intéressante. Elle dépend en grande partie du cadre réglementaire de chaque pays. Mais les mineurs parviennent malgré tout le plus souvent à se fournir en alcool, par l’utilisation de faux papiers, l’intermédiaire de proche, ou encore d’autres méthodes. L’obtention d’alcool directement par les parents ou les tuteurs est une approche elle aussi assez fréquente. Aux Etats-Unis par exemple, près d’un quart des buveurs âgés de 12 à 20 ans déclare avoir consommé en compagnie de parents. En Australie, les parents sont la 2e source d’obtention d’alcool derrière le cercle amical.
Plusieurs raisons sont évoquées dans la littérature par les parents pour justifier cette offre parentale d’alcool. Le fait de penser jouer ainsi un rôle dans l’éducation à une consommation responsable et contrôlée notamment, ou de servir de modèle à son enfant en termes d’usage sécurisé du produit. Les préoccupations sont surtout centrées sur les effets à court terme de la consommation sur lesquels les parents pensent pouvoir servir de médiateur. Cet accès à l’alcool peut d’ailleurs être associé à d’autres stratégies de réduction des risques liés à l’usage d’alcool, comme le transport à des fêtes ou l’accueil de soirées supervisées au domicile familial. Selon Kaynac et collaborateurs, l’efficacité de ces stratégies n’a toutefois pas été clairement établie dans la littérature.
Les données sur l’impact de l’offre parentale d’alcool aux jeunes sont assez hétérogènes et parfois contradictoire en ce qui concerne les modalités de consommation d’alcool. La surveillance parentale et la qualité de la relation parent/enfant semblent aussi avoir un rôle, mais la nature de cet effet n’est pas homogène. Cette étude se propose d’analyser ces différents facteurs.
Elle retrouve que l’offre parental d’alcool en tant que telle n’a pas d’incidence sur la fréquence de consommation. Elle semble par contre induire moins de conséquences négatives des consommations aigues que dans le contexte d’une consommation entre pairs. Cet effet « protecteur » de l’offre parentale est toutefois nuancé en fonction de la nature et de la qualité de la relation parent/enfant. Chez les jeunes bénéficiant d’une offre parentale d’alcool, seuls ceux avec un niveau élevé ou moyen de surveillance parentale avaient une probabilité réduite de complications. L’effet sur les préjudices et la perte de contrôle était même plus marqué pour les niveaux moyens, ce qui suggère qu’il serait nécessaire de trouver un juste équilibre dans cette surveillance parentale pour obtenir un effet bénéfique à l’offre parentale d’alcool.
L’abstinence complète est aujourd’hui toujours préconisée chez les jeunes. Les campagnes de préventions vont dans ce sens, ce qui n’empêche pas toujours la consommation dans cette population. Cette étude met en évidence la place importante des parents dans ce processus et notamment dans la réduction des complications liées à l’usage d’alcool. Elle pourrait être une piste intéressante pour des campagnes de prévention futures.