Fait saillant du confinement, l’angoisse générée par la pandémie constitue un facteur associé à la hausse de la consommation de tous les alcools dans tous les pays. Plus que la peur du virus lui-même, les répondants expriment une peur très marquée pour les conséquences économiques de la crise sanitaire. Cette angoisse « économique » aura particulièrement impacté la fréquence de consommation d’alcool. Différents facteurs de précarité, comme la solitude, le chômage et les bas revenus, ont pu en outre amplifier la tendance.
Les formes de consommation impliquant d’autres personnes que la famille se sont logiquement effondrées. Plusieurs faits marquants singularisent la période : la hausse sensible de la consommation de vin de personnes buvant seul, chez les hommes à revenus modestes et sans-emploi, mais aussi chez ceux qui boivent pour des motifs plus personnels et non dans un objectif de socialisation (« j’aime le goût, le vin me relaxe »).
C’est la catégorie des 30 à 50 ans qui a le plus augmenté sa fréquence de consommation d’alcool. Une tendance encore plus prononcée dans les ménages sans enfants.
Déstocker plutôt qu’acheter
En parallèle, on note aussi une hausse significative de la fréquence de consommation liée notamment à l’explosion du phénomène des apéritifs digitaux. Ce phénomène s’est surtout imposé chez les jeunes Italiens, notamment les étudiants, et chez les Français, en particulier les 30 à 50 ans en zone urbaine disposant de revenus confortables. Plus largement, près de la moitié des répondants français ont déclaré avoir pratiqué cette forme d’apéritif.
Parmi les quatre pays (Espagne, France, Italie, Portugal) dont les données ont pour l’instant été exploitées, c’est en France que la hausse de la fréquence de consommation de vin est la plus marquée : 44 % des répondants ont déclaré boire plus fréquemment du vin pendant le confinement. Le revenu a notamment joué un rôle significatif : les ménages français les plus aisés ont plutôt augmenté la fréquence de leur consommation, tandis que les revenus modestes se sont davantage portés sur la bière.
À l’échelle du continent, les répondants ont globalement dépensé moins pour l’alcool, notamment pour les spiritueux. Le prix moyen d’achat du vin a sensiblement diminué. Les supermarchés sont restés le principal canal de distribution. La plupart des autres canaux ont connu une baisse sévère.
Mais deux vecteurs d’approvisionnement ont gagné du terrain pendant le confinement. Tout d’abord, l’achat en ligne : avec plus de 80 % des répondants qui n’ont pas utilisé ce canal, on ne peut pas parler « d’amazonnisation » de la consommation de vin. Cependant, 8,3 % des Italiens ont acheté du vin pour la première fois sur Internet, 6,6 % des Espagnols, 5,2 % des Portugais, et 4,6 % des Français. Le fait d’avoir reçu des offres de vignerons ou de sites marchands est associé à une hausse significative de la consommation. Cela peut être lié à des achats livrés par les producteurs/marchands, signifiant ainsi un marketing réussi.
Toutefois, c’est le déstockage qui aura été le principal vecteur d’accroissement de la fréquence de consommation de vin. Les caves personnelles sont devenues la deuxième source d’approvisionnement en vin derrière les supermarchés, notamment pour les Français qui ont culturellement plus tendance que les autres à conserver leur vin avant de le boire.
Un boom des addictions ?
Dans une logique prospective, l’enquête soulève des questions sur les tendances futures de consommation et d’achat et donne quelques pistes de réponse.
Un article de Professeur d’économie à l’Université de Bordeaux et Prof. affilié à l’INSEEC School of Business and Economics, Université de Bordeaux pour le site The Conversation