Leçons de possession - Les archives de la drogue d’Henri Michaux

Un essai de Muriel Pic, éditions Macula, septembre 2025

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Leçons de possession les archives de la drogue d'Henri Michaux

En fouillant dans les archives inédites de l’écrivain et artiste Henri Michaux, la chercheuse Muriel Pic construit le parcours d’expérimentation d’un homme de lettres qui décide de se mettre au service de la recherche sur les hallucinogènes dans les années cinquante et soixante.

Pendant une bonne décennie, de 1955 à 1965, Michaux va expérimenter plusieurs substances psychoactives, notamment le cannabis et la mescaline, le tout sous la supervision, par exemple, de chercheurs associés à l’hôpital Saint-Anne à Paris ou aux laboratoires pharmaceutiques Sandoz en Suisse.

Ces expérimentations, l’écrivain les retranscrira dans des cahiers et des feuillets volants remplis de textes descriptifs ou poétiques constituant ce que l’on a appelé “Les archives de la drogue“. Michaux a aussi réalisé de nombreux dessins sous influence, dont quelques-uns figurent dans ces Leçons de possession, à côté de documents issus des archives.

Par la suite, l’écrivain expérimentateur fera publier plusieurs recueils de textes et poèmes qui reviendront sur ses expérimentations : Misérable miracle (1956), L’infini turbulent (1957), Paix dans les brisements (1959), Connaissance par les gouffres (1961), Les grandes épreuves de l’esprit et les innombrables petites (1966). De nombreuses oeuvres plastiques verront aussi le jour, ainsi qu’un court métrage d’une trentaine de minutes, Images du monde visionnaire, réalisé par Eric Duvivier en 1963…

Dans ces temps d’expérimentations légales des substances hallucinogènes, les scientifiques cherchaient, en recréant une forme de folie, à observer celle-ci de l’intérieur. Ils étaient souvent leur propre cobaye, et s’inscrivaient dans la droite ligne d’un certain Jacques Joseph Moreau de Tours qui, au XIXéme siècle, avait initié l’auto-observation médicale des effets du cannabis pris en ingestion en compagnie de ses amis artistes.

Les expérimentations de Michaux, poète curieux de différencier des “styles des drogues“ et en quête de cette “sensation d’être fou“ pour peut-être mieux comprendre le processus de création artistique, complètent celles des médecins. Michaux se passionne pour le sujet, publie dans des revues littéraires ou scientifiques, mais ne se considère pas pour autant comme un amateur de drogues, plutôt comme un explorateur critique, « du type buveur d’eau ».

Et pour reprendre sa fameuse citation extraite de Connaissance par les gouffres (1961) : « Les drogues nous ennuient avec leur paradis. Qu’elles nous donnent plutôt un peu de savoir. Nous ne sommes pas un siècle à paradis. »

Thibault de Vivies,
DopamineCity.fr