Les comorbidités psychiatriques peuvent donner de faux positifs au MoCA test.

Une étude publiée dans Drug & Alcohol Dependence.

Alcool

Le MoCA (Montréal Cognitive Assessment) est le test le plus utilisé pour le repérage de troubles cognitifs liés à l’alcool. A la base, le MoCA a été développé en dehors du champ de l’alcoolodépendance. Mais il a montré de bonnes caractéristiques de repérage des atteintes cognitives dans cette pathologie. Il est rapide et simple à faire passer, et bien accepté par les patients. En France, l’équipe de Pascal Perney à Nîmes, a beaucoup publié sur cet outil, et a contribué à en diffuser l’utilisation, dans l’Hexagone, mais aussi au niveau international.

 

Oui mais le MoCA, comme tout outil de dépistage, fait primer la sensibilité sur la spécificité. Le but est de ne pas rater l’existence de troubles cognitifs, pas de certifier que ces troubles cognitifs sont liés à l’alcool. Le MoCA se positive ainsi en cas de dépression ou d’atteinte neurologique. Dans le champ de l’alcoolodépendance, les comorbidités psychiatriques sont nombreuses. Alors, un MoCA positif signifie-t-il forcément que l’alcool est à l’origine des atteintes repérées. Pas forcément.

 

C’est ce que vient de souligner une première étude sur le sujet, issue d’une collaboration entre des équipes lilloise, lyonnaise, et bruxelloise. Dans cette étude menée sur 100 patients alcoolodépendants venant de terminer un sevrage d’alcool, Un MoCA test a été réalisé de manière systématique de même qu’un diagnostic psychiatrique standardisé réalisé à l’aide du Mini International Neuropsychiatric Interview (MINI).  Une mesure d’autres diagnostics (TDAH par exemple) ou de certaines dimensions (impulsivité) était également réalisée.

 

En résultats non ajustés, l’âge, le niveau d’impulsivité, l’existence d’un TDAH, d’une dépression, ou d’une agoraphobie, étaient les facteurs significativement associés avec le fait d’avoir un MoCA anormal. En analyses multivariées, seules la dépression et l’agoraphobie ressortaient. Chacun de ces deux diagnostics augmentait par 4 environ le risque d’avoir un MoCA anormal.

 

En pratique, pourquoi ces résultats sont importants ? Si un MoCA est effectué sans repérage associé des troubles psychiatriques comorbides, le risque est de conclure à tord à l’existence de troubles cognitifs induits par l’alcool, et de passer à côté d’une cause traitable, comme une dépression ou un trouble anxieux, dont la prise en charge effective pourrait rapidement normaliser le MoCA en cas de repérage adéquat bien sûr. En pratique, il est évident que l’affaire est plus complexe, car l’alcool et la dépression peuvent tous deux participer à l’émergence de troubles cognitifs simultanés, et par ailleurs l’alcool induit ou majore les symptômes dépressifs, lesquels peuvent également majorer les consommations d’alcool.

 

Conclusion malgré tout: il est désormais indispensable pour tout bon service d’addictologie qui se respecte de faire passer le MoCA. Mais il est aussi important d’avoir une bonne lecture clinique globale du patient, afin de bien comprendre quel peut être l’origine des troubles cognitifs éventuellement repérés.

 

Benjamin Rolland

Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

Fabien D’hondt

Université de Lille, équipe ScaLAB

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