Le Dry January – Le Défi de Janvier s’achève ce soir. Alors que les résultats de l’étude « Alcool : où en sont les Français ? », publiée par Santé Publique France le 14 janvier, témoignent d’une consommation d’alcool parmi les plus élevées au monde dans notre pays, le succès du Défi De Janvier (près de 9 000 participants sur le site dédié contre 4 000 pour la première édition anglaise en 2013) montre une vraie tendance des Français à vouloir faire une pause et donc à s’interroger sur leur consommation.
Serait-ce les prémices d’une baisse de la consommation d’alcool dans notre pays ? Les Russes y sont bien arrivés, d’autres pays également à l’instar du Canada, de l’Ecosse et de l’Australie, alors pourquoi pas nous ! Le Pr Michel Reynaud, Président du Fonds Actions Addictions, et le Dr Jean-Pierre Thierry, Conseiller médical de France Assos Santé et du Fonds Actions Addictions, expliquent et analysent les raisons de la considérable diminution de la consommation d’alcool en Russie, en particulier la fixation d’un Prix Minimum de l’Unité d’alcool, promue par l’OMS.
Sur 35 pays, selon l’OCDE, La France[1] est le 3ème pour sa consommation d’alcool (avec 11,7 litres d’alcool pur par an chez les plus de 15 ans) et se retrouve désormais devant la Russie, pays qui, en appliquant de façon volontariste les mesures préconisées par l’OMS, a diminué sa consommation de près de la moitié en 15 ans (-43% entre 2003 et 2016). Or, durant ces 10 dernières années, celle de la France a cessé de décroître pour rester désespérément stable.
Grâce à des mesures simples et très efficaces, la Russie est ainsi passée d’un état de « catastrophe sanitaire » à une régulation efficiente de sa consommation d’alcool, qui s’est automatiquement traduite par un recul significatif de la mortalité et de la morbidité attribuées à l’alcool, comme le montrent les deux courbes ci-dessous.
Source : https://www.bbc.com/news/health-25961063
Les mesures qui expliquent le fort impact de la politique de prévention russe sont aussi appliquées dans d’autres pays
Face à l’énormité des dommages causés par l’alcool dans le monde, l’OMS a défini, en 2010, un cadre de 10 mesures pour une stratégie globale de réduction de sa consommation. Ce cadre a été repris dans un plan d’action européen officiellement adopté par la France.
Le Plan National de diminution de la consommation d’alcool mis en œuvre en Russie réunit les 3 options les plus opérantes recommandées par l’OMS, appelées les « best buys ».
- La limitation des points de vente et des horaires (vente interdite à partir de 23h00 par exemple).
- L’interdiction de la publicité.
- L’introduction d’un Prix Minimum par Unité d’alcool (pour tous les alcools).
L’introduction d’un Prix Minimum par Unité d’alcool est sans conteste la mesure la plus efficace, car mathématiquement l’augmentation du prix diminue la consommation, en particulier chez les plus jeunes, amenant une diminution des excès et du « binge dinking », mais aussi chez les plus gros consommateurs et chez les dépendants.
Le Canada , avec une consommation moyenne par habitant bien inférieure à celle de la France (8,2 litres d’alcool pur par an, au 27ème rang selon l’OCDE) applique cette mesure depuis 2009. Celle-ci se montre plus efficace pour diminuer la consommation que l’augmentation globale des taxes car les gros buveurs achètent les alcools les moins chers. L’augmentation spécifique du Prix Minimum a entrainé dès la première année une diminution de 9% des admissions en urgence, puis l’année suivante une baisse équivalente des hospitalisations pour les complications chroniques.
L’Ecosse, (9,9 litres d’alcool pur par an, au 16ème rang selon l’OCDE) a aussi introduit un Prix Minimum par Unité d’alcool en mai 2018, après une bataille juridique d’une dizaine d’années. Les effets immédiats de cette mesure sont rapportés dans le British Medical Journal en septembre 2019 et une diminution moyenne de -3.6% a été constaté après un an. Et surtout, celle-ci porte massivement sur la consommation des gros buveurs et des alcools les moins chers achetés en grande quantité.
En Australie (9,4 litres d’alcool pur par an, au 18ème rang du classement OCDE), l’application de cette mesure, en octobre 2018, a également permis de réduire la consommation des buveurs les plus exposés dans les Territoires du Nord (caractérisé par une forte consommation d’alcool, 1,5 supérieure à la consommation nationale moyenne). Et ainsi, les admissions en réanimation pour les maladies aigües et accidents dus à l’alcool ont baissé de moitié ; et ce en seulement 6 mois.
Les exemples russes, canadiens, écossais et australiens démontrent la réelle efficacité et à court terme, des mesures de l’OMS, en particulier le Prix Minimum par Unité. D’une façon générale, rares sont les interventions de santé publique qui peuvent se prévaloir d’un effet aussi important, expliqué par un impact rapide sur la morbidité et la mortalité grâce à la réduction de la consommation d’une part significative de la population.
Si ces mesures étaient appliquées en France, elles seraient avant tout efficaces pour les 10 millions de consommateurs excessifs : 6 millions de consommateurs à risques et problématiques et 4 millions de dépendants.
Mais elles ne sont hélas pas incluses dans le Plan National de Mobilisation contre les Addictions 2018-2022. Et c’est pourquoi la France se retrouve à nouveau dans le trio de tête.
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Contact presse :
Christelle Cros, Déléguée Générale
christelle.cros@actions-addictions.org – 06 75 80 58 39
A propos du Fonds Actions Addictions
Présidé et créé en 2014 à l’initiative du Pr Michel Reynaud, Psychiatre, Addictoloque, le Fonds Actions Addictions réunit, dans une dynamique commune et complémentaire, les patients, les familles, les professionnels, les entreprises, les scientifiques et les associations afin de mieux parvenir à réduire les dommages liés aux addictions.
Pour cela, il soutient :
-les associations de patients et des proches,
-des projets cliniques et de recherche innovants,
-les actions d’information et de prévention, notamment avec les portails Addict Aide (à destination du grand public) et Addict Aide Pro (à destination du milieu de travail).
[1] Sur 35 pays selon l’OCDE, avec 11,7 litres d’alcool pur chaque année par habitant de plus de 15 ans (12.6 litres selon l’OMS)