Avec l’été, les publicités se multiplient dans l’espace public, incitant à la consommation d’alcool. Guylaine Benech, sociologue, consultante formatrice en santé publique, autrice du livre « Sa première cuite – Manuel de prévention positive autour de l’alcool », nous partage son regard d’actrice sur les procédés des publicitaires pour atteindre les jeunes.
Une publicité « alcool », fonctionnement ?
En théorie, la publicité pour l’alcool est réglementée par la loi Évin, qui interdit d’évoquer des univers de fête ou de jeunesse. Elle ne doit pas être incitative. Dans les faits, ces critères sont peu respectés. Les marques d’alcool ne se contentent pas d’apporter des informations objectives. Elles conçoivent leurs publicités pour susciter du désir et des émotions, notamment chez les jeunes, plus vulnérables. Cette façon de contourner la loi est subtile. Il y a peu de contrôles. L’association Addictions France parvient à faire interdire certaines publicités, mais il faudrait des moyens colossaux pour engager plus de procédures.
Apprendre à un jeune à décrypter une publicité « alcool », comment ?
En l’invitant à étudier de quelle façon la publicité est conçue. En lui proposant de la regarder en détail : choix des couleurs, des formes, des messages. En lui demandant ce que cela lui évoque, ce qu’il en pense et ce qu’il ressent. Certaines marques utilisent des couleurs flamboyantes et des visuels qui font rêver. Elles créent des univers sensoriels exaltants pour une cible adolescente qu’elles savent réceptive. C’est crucial que les jeunes prennent conscience que les publicités en appellent à leurs émotions pour les manipuler. Elles présentent le produit sous un jour uniquement favorable en occultant totalement sa dangerosité.
Des publicités alcool devant les lieux fréquentés par les jeunes, légal ?
Les adultes ne font pas toujours attention aux publicités. Certains pensent à tort qu’elles sont interdites autour des établissements scolaires. Or, les marques d’alcool peuvent placer des affiches, si elles le souhaitent, aux abribus des collèges et lycées, sur les campus étudiants, et même devant les centres de soins en addictologie. C’est légal et elles ne s’en privent pas. Les sondages montrent que les Français souhaitent massivement l’interdiction de ces publicités, notamment à proximité des écoles. Les personnes qui le souhaitent peuvent rejoindre l’initiative citoyenne BalanceTaPub, lancée sur les réseaux sociaux par un collectif d’associations pour dénoncer le ciblage des mineurs par les marques d’alcool.
Muriel Gutierrez (Amande épicée)