Les personnes avec trouble de l’usage d’alcool traitent-elles les émotions interpersonnelles et intra-personnelles différemment des personnes sans trouble de l’usage d’alcool ?

Chez les personnes souffrant de trouble de l’usage d’alcool, il a été suggéré qu’il existait (en moyenne) plus de difficultés que chez les autres personnes en ce qui concerne la perception de signaux émotionnels,

Alcool

La capacité à pouvoir bien identifier ses propres états émotionnels et ceux d’autrui (i.e., intelligence émotionnelle) est un préalable nécessaire à la construction d’interactions sociales de qualité. Chez les personnes souffrant de trouble de l’usage d’alcool, il a été suggéré qu’il existait (en moyenne) plus de difficultés que chez les autres personnes en ce qui concerne la perception de ces signaux émotionnels, qu’il s’agisse des leurs (processus intra-personnels) ou de ceux des autres (processus interpersonnels). Néanmoins, la nature exacte de ces déficits reste encore à déterminer.

 

Dans cette étude polonaise, 92 hommes souffrant de trouble de l’usage de l’alcool et pris en charge pour leur addiction ont été comparés à 86 hommes issus d’un groupe contrôle (personnel de l’Université de Varsovie) pour les mesures suivantes : alexithymie (i.e., difficultés à identifier et à exprimer ses émotions), intelligence émotionnelle/compétences émotionnelles (i.e., ensemble composite de compétences associant la capacité à percevoir, évaluer et exprimer ses émotions ; la compréhension, l’analyse, et l’utilisation de ces émotions en situation d’interaction, ou encore la régulation de ses propres états émotionnels) et capacité à reconnaître les états mentaux et émotionnels d’autrui (mesure effectuée à partir du test « Reading the Mind in the Eyes Test » de Simon Baron-Cohen et al., qui consiste à deviner des états émotionnels à partir de photographies montrant le regard de différentes personnes).

Ces chercheurs ont constaté que les patients présentant un trouble de l’usage d’alcool présentait plus fréquemment que les autres des difficultés à identifier et à décrire leurs propres états émotionnels (score d’alexithymie plus élevé), et des capacités de régulation de leurs propres émotions significativement plus faibles que les personnes sans trouble de l’usage d’alcool. Il n’existait en revanche pas de différence entre les deux groupes concernant la reconnaissance des états émotionnels d’autrui et les compétences sociales.

Les auteurs de cet article concluent donc qu’il existe chez les patients souffrant de trouble de l’usage d’alcool une altération des processus de traitement des émotions, qui concerne spécifiquement leurs propres états émotionnels et non pas ceux des autres.

L’intérêt de ce travail est de suggérer des pistes de traitements spécifiques pour les patients souffrant de trouble de l’usage d’alcool : on peut en effet supposer que les prises en charge visant à une meilleure identification et expression de leurs propres émotions soient plus efficaces que des prises en charge visant à une meilleure reconnaissance des émotions et des états mentaux d’autrui.

 

Par Paul Brunault 

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