
Ni solution miraculeuse, ni maillon en bout de chaine du rétablissement, les SMRA doivent s’inscrire dans le cadre d’un partenariat structuré au sein d’un large réseau (structures d’addictologie, médecins généralistes, addictologues, psychiatres…), car les admissions en SMRA ne s’improvisent pas, et se préparent en amont. Cadre médicalisé, organisé, autour d’une équipe pluridisciplinaire, les séjours en SMRA, grâce à des accompagnements spécifiques, ciblés et séquencés selon une durée variable en écho à la situation du patient, visent la consolidation de l’abstinence, mais également la prévention de la rechute et le retour à une vie la plus autonome possible.
On comprend alors leur rôle central dans la chaine de soins des patients qui souffrent d’addictions et, pour des résultats les plus efficients et durables possibles, l’importance d’une prévention coordonnée, à tous les stades du parcours de rétablissement.
Des postcures aux SMR, une évolution des soins vers des accompagnements plus étoffés et structurés !
Avant de poser le rôle et les missions des Soins Médicaux et de Réadaptation en Addictologie (SMRA), revenons un instant plus globalement sur les SMR (Soins Médicaux et de Réadaptation) en France. Avec 1,41 million de séjours et 35,1 millions de journées d’hospitalisation enregistrés en 2023, ils représentent 28 % de l’activité hospitalière.
Petit retour historique pour bien comprendre l’évolution de ce que l’on nommait auparavant « postcures », qui ont évolué ces dernières années vers des services qui intègrent désormais une notion centrale : la réadaptation. En 2022, 2 décrets portant réforme des autorisations du secteur des soins de suite et de réadaptation (SSR) entérinent l’appellation
« soins médicaux et de réadaptation » (SMR) et se définissent comme suit : « Prévenir ou réduire les conséquences fonctionnelles, les déficiences et limitations d’activité, soit dans le cadre de la prise en charge de patients atteints de pathologies chroniques, soit en amont ou dans les suites d’épisodes de soins aigus, que ces conséquences soient physiques, cognitives, psychologiques ou sociales ».
Missions et champs d’activités des SMR
Les activités des SMR s’organisent autour de 5 missions centrales : soins médicaux, réadaptation, prévention, transition et coordination, avec comme axes communs leur caractère multidimensionnel, pluridisciplinaire, mais aussi personnalisé aux besoins et au projet de vie du patient. 1 600 établissements de santé
proposent une prise en charge en SMR (environ 100 sont dédiés à l’accompagnement des enfants et adolescents). Un nombre significatif qui montre l’importance de ce champ d’activité, qui est, rappelons-le, accessible après un séjour hospitalier de courte durée (81 % des admissions en SMR) ou directement depuis le lieu de vie du patient (19 % des admissions).
Il existe 11 catégories d’activités qui sont ainsi définies2, qui clarifient les autorisations des activités SMR des établissements de santé, dont l’une d’entre elles concerne les conduites addictives (SMRA).
Les SMRA, cadre, enjeux, missions et bénéfices visés
« Les SMRA, qui sont spécialisés dans la prise en charge de patients qui souffrent de troubles addictifs (substances psychoactives et/ou addictions comportementales avec comorbidité), offrent un cadre à la fois médicalisé, organisé autour d’une équipe pluriprofessionnelle, avec pour objectif la consolidation de l’abstinence, mais aussi la prévention de la rechute et une réadaptation vers une vie autonome », c’est en ces termes que le Dr Frédéric Sorbara, notre expert du mois, psychiatre et médecin-chef du centre Gilbert Raby (Meulan-en-Yvelines), établissement spécialisé dans le traitement des addictions avec un service de SMRA de 62 lits, pose les contours de la singularité et des missions des SMRA. Tout en soulignant que « L’objectif des SMRA est bien de redonner une autonomie aux patients, pour leur permettre un retour sur leur lieu de vie dans les meilleures conditions possibles. »
SMRA, un service porté par une équipe pluridisciplinaire
Si l’objectif des SMRA est de consolider l’abstinence, de prévenir la rechute et les risques liés à un trouble addictif, l’accompagnement et les soins de réadaptation proposés lors d’un séjour en SMRA visent aussi l’amélioration globale de la santé, de la qualité de vie du patient et des relations avec ses proches (resociabilisation, retour à l’emploi…).
« Les services de Soins Médicaux et de Réadaptation en Addictologie (SMRA) peuvent accueillir des patients en relais d’une hospitalisation, ou en accès direct pour certains, et ce afin de réduire ou de prévenir les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques et sociales pour les patients et ainsi faciliter leur réadaptation », précise notre expert, Frédéric Sorbara.
Selon la typologie des SMRA, l’équipe pluriprofessionnelle qui accompagne les patients se compose de différents métiers : médecins généralistes, addictologues, psychiatres, infirmiers formés en addictologie, aides-soignants, psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, art-thérapeutes, éducateurs en Activité Physique Adaptée, moniteurs d’éducation physique, animateurs loisirs, éducateurs, moniteur d’atelier, assistants sociaux, diététiciens, neuropsychologues.
SMRA, des séjours qui se préparent dans une chaine de soins coordonnée
Frédéric Sorbara en témoigne dans sa parole d’expert diffusée ce mois-ci : « Les SMRA ne sont absolument pas une solution miraculeuse pour les patients difficiles à stabiliser en ambulatoire. Le travail addictologique pour optimiser les chances de rétablissement doit impérativement s’inscrire dans le cadre d’un partenariat au sein d’un réseau étoffé. En amont des SMRA, il y a les consultations dans les Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), chez le médecin généraliste, l’addictologue. Ce sont eux, les adresseurs. »
SMRA, des accompagnements organisés par étapes
Pas de règles figées pour la durée des séjours en SMRA, même s’ils se déroulent généralement sur une période de 2 à 3 mois, pouvant même, si la situation le requiert se prolonger dans le temps. Au SMRA de KABS (Kerpape Addictologie Bretagne Sud) du Centre mutualiste de Kerpape – VYV3 Bretagne, les patients bénéficient d’un séjour d’une durée maximale de 12 semaines (avec hébergement). « Notre objectif : remettre en mouvement les patients, et ce, à plusieurs niveaux : psychologiques, médicaux et socio-éducatifs. Pour cela, nous proposons différents types de supports : des entretiens individuels ou des activités intra-muros ou extra-muros », nous partage Maud Bégel, psychologue dans ce service de SMRA et notre actrice du mois.
Quant au programme classique du séjour, des étapes sont à respecter souligne le Dr Frédéric Sorbara :
· Évaluation initiale : bilan médical d’entrée, évaluation addictologique et bilan d’autonomie.
· Évaluation pluriprofessionnelle et détermination d’un projet de soins individualisé qui permet un accompagnement médico-psycho-social avec des ateliers thérapeutiques en individuel ou en groupe. Réévaluation régulière de projet de soins.
· Préparation de la sortie et du suivi ultérieur.
Dans les parcours de soins médicaux et de réadaptation en addictologie (SMRA), sont proposés : un soutien psychologique, une réadaptation avec des ateliers thérapeutiques, une préparation à la sortie et à la réinsertion socioprofessionnelle.
La Motothérapie® : une initiative qui a reçu le Prix Avenir Recherche Innovation 2024 de la Fondation de l’Avenir
Pour la 3ᵉ année consécutive, le SMRA KABS permet à un groupe de patients (une dizaine par session annuelle) de vivre et d’expérimenter une semaine de Motothérapie® (Psy Ride Power). Huit jours de soins hors les murs, dans un contexte à la fois encadré, protégé et surtout sans aucun risque. Ce programme, qui n’est pas du sport adapté, trouve place durant les 12 semaines d’accompagnement et a pour objectif le rétablissement biopsychosocial du patient.
Imaginée par Émeline Bardou, psychologue, chercheuse et éducatrice sportive moto, cette innovation thérapeutique (unique en France et protégée par un brevet INPI), a été pensée pour favoriser une remise en mouvement des patients, grâce au médiateur neutre qu’est la moto. Un médiateur qui permet de répéter sans aucun risque et de façon encadrée des processus de traumatismes ou des sensations de ressentis d’adrénaline, de peur, de stimulation, de stress, mais aussi de plaisir, comme lors d’une prise de produits psychoactifs. Coordonné par Maud Bégel, une équipe de soignants (2 infirmières et une éducatrice) et Emeline Bardou, ce programme s’ajuste aux spécificités de chaque patient (programme précis sur un terrain de motocross, groupes de paroles, entretiens individuels psychologiques…).
Les bienfaits constatés de la Motothérapie®
Le rapport au risque et la production d’hormones de plaisir sont deux leviers qui amènent à un ressenti corporel alliant plaisir et dépassement de soi. Chaque patient avance à son rythme afin de vaincre ses appréhensions et ses peurs, et apprend à relativiser et à se relever. En devenant acteur de son pilotage, un schéma de confiance en soi et de réussite s’instaure chez le patient, qui lui permet ensuite, par effet miroir, de prendre plus facilement des décisions dans sa vie. Une étude universitaire sur différentes cohortes a permis de dégager des résultats concrets à travers la passation de questionnaire (Université, Toulouse, Jean-Jaurès, laboratoire LPS DT).
« Cette expérience inédite alterne des temps de parole, avec des temps d’initiation à la conduite d’une motocross et d’apport de connaissances techniques. Elle permet des associations entre les schémas de réussite vécus durant la semaine et la capacité à se remobiliser par la suite, en écho avec les ressentis éprouvés. Les patients nous disent souvent en fin de séjour que c’est une des premières fois où ils se rendent compte qu’ils éprouvent les mêmes sensations, mais sans consommer. » précise Émeline Bardou.
« En addictologie les patients n’osent pas, ne se positionnent pas et n’ont pas confiance en eux. Mais après une semaine de pratique de la moto, ils parviennent à se dire : ‘Je ne pensais pas être capable de faire cela’ ; ‘Je suis content de moi, fier de moi… » conclut Maud Bégel.
Retours d’expériences de patientes ayant participé à une semaine de Motothérapie®
« La Motothérapie® et Émeline Bardou ont réussi à déverrouiller en mon cœur toutes les souffrances enfouies, à acquérir une meilleure estime de moi en sortant de ma zone de confort et à prendre confiance en moi et en l’autre« , témoigne Angie.
« J’ai osé aller voir cette personne parce que je me suis rappelée qu’avec la moto, j’avais osé aussi, du coup j’ai pu le faire aussi à un autre moment » ajoute Nathalie.
En cette rentrée 2025, une nouvelle session de Motothérapie® s’est déroulée la 3ᵉ semaine de septembre en Dordogne.
En résumé, quelques recommandations :
Les SMRA : un maillon central dans le parcours menant au rétablissement à préparer en amont
Pour qu’un accompagnement adapté et personnalisé des patients soit possible en SMRA, il convient, en amont, que les soignants se positionnent davantage sur l’intérêt que représente un séjour en SMRA pour ensuite le recommander à leurs patients, et ce, dès le début du parcours de soins (sevrage).
L’orientation en SMRA doit être proposée au plus tôt dans le parcours de soins et de vie du patient pour éviter les répétions d’échecs de soins trop courts qui engendrent une baisse d’estime de soi chez le patient lié à un découragement et une dégradation physique et psychique.
Les SMRA : une équipe pluriprofessionnelle et une prise en charge biopsychosociale.
Il est indispensable qu’une prise en charge biopsychosociale avec un bilan, qui intègre à la fois des facteurs économiques, sociaux, physiques et environnementaux propres au patient, soit réalisé. Ce qui explique la nécessité que ce bilan soit mené par une équipe pluriprofessionnelle.
Mettre à distance le patient et de prendre du temps.
Pour que les SMRA permettent une prise en charge séquencée et organisée, les séjours se déroulent en moyenne sur une période de 2 à 3 mois. Une variation de durée est possible selon les situations.
Optimiser l’information aux soignants
Pour favoriser un retour du patient au domicile sans produit ou comportement addictifs, sensibiliser davantage les soignants au rôle et à la place des SMRA dans le parcours de rétablissement du patient, s’avère crucial. En pointant par exemple : En quoi ces soins sont utiles ? À quel moment doivent-ils adresser leurs patients ? Pour quelles raisons ? Comment se déroule un séjour en SMRA ? …
Vous l’aurez compris, les SMRA (Soins Médicaux et de Réadaptation en Addictologie) en France sont une étape centrale au cœur du processus de soins des patients qui souffre d’un trouble addictif. Ils permettent de mieux prévenir les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, mais aussi psychologiques et sociales, afin de faciliter la réadaptation des patients, la prévention des rechutes et le retour à une vie autonome.
1DREES, édition 2025 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/250522_Panorama_etablissements-de-sante2025
211 catégories d’activités / SMR : sante.gouv.fr
DREES, édition 2025 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/250522_Panorama_etablissements-de-sante2025
Muriel Gutierrez,
Amande épicée