L’esprit est ardent, mais la chair est faible : pourquoi les jeunes boivent plus qu’ils ne le voudraient

Peu d’études ont cherché à savoir si ces comportements de binge sont réellement planifiés avant le début de l’alcoolisation ou si la décision de binge survient en cours de soirée...

Alcool

 

Les modes de consommation d’alcool ont radicalement changé ces dernières décades, notamment dans la population des jeunes buveurs. Les consommations importantes et rapides d’alcool de type « binge » sont devenues régulières, assumées plus qu’accidentelles, dans une recherche d’ivresse rapide, notamment lors de soirées festives. Toutefois, peu d’études ont cherché à savoir si ces comportements de binge sont réellement planifiés avant le début de l’alcoolisation ou si la décision de binge survient en cours de soirée. Ce travail a analysé à l’aide d’une application téléphoniques les intentions d’alcoolisation de jeunes suisses âgés de 16 à 25 ans en début d’après-midi et la consommation effective lors de la soirée qui suit, ainsi que les facteurs qui ont pu contribuer au changement d’intention de consommation.

176 sujets, recrutés dans des clubs nocturnes de Lausanne et Zurich ont accepté de participer à l’étude et ont correctement complété une évaluation par application smartphone (sur 3092 sujets initialement approchés) concernant leurs intentions de consommation lors de la soirée à venir, leurs consommations habituelles d’alcool, ainsi que les lieux d’alcoolisation lors de plusieurs soirées (au total 757 soirées analysées). L’intention de consommer de l’alcool était plus élevée chez ceux qui avaient l’habitude de fréquenter des soirées alcoolisées et ceux qui avaient l’habitude de s’alcooliser en amont d’une sortie en bar ou boite de nuit. Dans 47,7% des cas les consommations des sujets ont dépassé leurs intentions initiales, évaluées en début d’après-midi. Pour les deux sexes, le fait de dépasser les consommations initialement prévues était lié au fait de consommer avant 20h, dans des lieux multiples, et dans des groupes importants. Pour les hommes, cela était aussi le cas lorsque les consommations d’alcool intervenaient hors de leur domicile. Pour les femmes, lorsqu’elle se rendaient en boite de nuit.

Ces résultats semblent montrer que le contexte et les modalités d’alcoolisation peut influencer les intentions de consommation d’alcool chez les sujets jeunes dans des événement festifs. Cette influence peut favoriser des comportements d’alcoolisation massive importante, voire de binge, qui n’était pas forcément planifiés. Ces comportements seraient donc plus souvent accidentels que ce que l’on imaginait. Des mesures de prévention pourraient cibler les capacités des jeunes adultes à mieux estimer la réalité de leurs consommations, les avertir de ce risque de dérapage des consommations, et aider à identifier les facteurs de risques individuels de dérapage. Au niveau individuel, il pourrait s’agir de recommander aux jeunes adultes de décider à l’avance le nombre de verre maximum qu’ils s’autorisent, de leur donner des outis pour monitorer leur niveau de consommation et/ou de mettre fin à l’alcoolisation au bout d’une consommation ou d’une durée donnée. Ce serait en particulier le cas pour les sous-groupes les plus vulnérables ou pour les situations les plus risquées identifiées dans ce travail. Des décisions politiques seraient sans doute nécessaires pour limiter les phénomènes de consommation sur des sites multiples tout au long de l’année.

Par Nicolas Cabé

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