Lutte contre les addictions : le fonds anti-tabac dilué dans l’alcool ?

Les sénateurs craignent que lutte contre le tabac soit affaiblie, en raison de l’intégration de l’alcool dans le périmètre du fonds de lutte contre les addictions. Reste une solution : davantage taxer l’alcool, à commencer par le vin, très peu taxé. La ministre Agnès Buzyn souligne que la taxation du rhum d’Outre-Mer « va alimenter ce fonds ».

Alcool

Les sénateurs ont parlé drogue vendredi matin. Ou plus exactement du fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives. Le gouvernement entend transformer le fonds de lutte contre le tabac en fonds de lutte contre toutes les addictions, en y incluant l’alcool et le cannabis. Une réforme qui passe par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dont les sénateurs terminent l’examen ce vendredi 16 octobre. Le Sénat a adopté la création de ce nouveau fonds élargi, non sans en souligner les limites.

Faire plus avec la même somme

La crainte exprimée par plusieurs sénateurs : que la lutte contre le tabac y perde, en raison d’un manque de financement. Le sénateur du groupe PS, Bernard Jomier, salue le « principe louable » d’élargir le fonds à toutes les addictions. Le fonds, financé logiquement jusqu’ici par le tabac, bénéficiait de 97 millions d’euros l’an dernier. Pour cette année, la baisse de sa consommation entraîne une baisse des recettes, que le gouvernement compense par 10 millions d’euros issus des nouvelles contraventions pour usage de cannabis. L’exécutif maintient ainsi le fonds à environ 100 millions d’euros. Problème : il faudra faire plus, avec la même somme, car la lutte contre l’alcool sera maintenant incluse dans les actions du fonds. Or « le financement repose à 90% sur le tabac », souligne Bernard Jomier (voir la vidéo).

Face au risque de « dilution du fonds actuel » qui serait « affaibli », « sans financement à hauteur des enjeux », le sénateur LR Philippe Mouiller a défendu le maintien du fonds actuel uniquement sur le tabac.

Lobby

« Favorable » à la création de ce fonds, la sénatrice communiste Laurence Cohen regrette cependant qu’il ne soit pas aussi élargi « à l’addiction aux jeux ». Elle souligne que le sujet fait « écho à la proposition de nombreux médecins addictologues, qui ont alerté sur le fait que l’alcool était le grand absent de ce fonds. Je rappelle que 49.000 décès sont liés à l’alcool chaque année en France ». Proposition faite par des médecins dans une lettre ouverte à Agnès Buzyn. « C’est scandaleux que l’alcool ne participe en rien au fonds de prévention contre les addictions » s’était indigné Gérard Dubois, professeur de santé publique et l’un des cosignataires de la lettre, interrogé fin octobre par publicsenat.fr.

Mais les intérêts économiques du vin sont protégés par de nombreux parlementaires, et surtout par Emmanuel Macron lui-même et sa conseillère agriculture, Audrey Bourolleau, ancienne déléguée générale de Vin et société, le lobby chargé de défendre les intérêts de la filière viticole auprès des pouvoirs publics.

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