Marseille, essuie tes larmes, un récit de Amine Kessaci

Editions Le Bruit du monde, octobre 2025

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Marseille essuie tes larmes un récit de Amine Kessaci

Pour faire suite à Cartel Nord, l’enquête de Eric Miguet et Jean-Guillaume Bayard, il s’agit ici d’entendre la voix d’un jeune homme, Amine Kessaci, qui veut porter haut la parole des habitants des quartiers Nord de Marseille.

Le jeune militant écologique d’à peine vingt-deux ans vient de perdre deux frères, tous les deux victimes de la violence non seulement régulatrice de la gestion des points de deal mais aussi outil d’intimidation pour faire régner l’omerta.

Les minots, nous explique Amine, sont embarqués dans le milieu du deal aveuglés par des promesses de gros sous, de reconnaissance et de respect. En toile de fond ces images des séries américaines qui créent des mythes en glorifiant les trafiquants de haut vol dont le pouvoir et la gloire sont à des années lumière de la réalité du terrain en bas des tours.

Qui peut croire encore que le deal de proximité, à savoir celui qui mobilise nourrices, guetteurs, ravitailleurs ou charbonneurs des rues, c’est la vie tranquille et de l’argent bien trop facilement gagné ?…

Le récit d’Amine est adressé à son grand frère Brahim, tué suite à un règlement de compte, en 2020. Amine n’a alors que 17 ans, mais l’adolescent prend tout de suite conscience que ça ne peut pas durer, et qu’il faut agir pour limiter les dégâts en plongeant à la racine du mal et alors trouver des alternatives à l’appel du deal.

Dans ces quartiers souvent délaissés par les pouvoirs publics, l’appât du gain fait rêver les ados dès le plus jeune âge. Brahim, le grand frère d’Amine, s’est laissé hypnotiser par les “Grands“, et même la force protectrice d’une mère combative n’aura pas suffi. Amine voit son frère aîné se perdre mais se sent mal placé pour réagir. Alors, ce qui devait, semble-t-il arriver, arriva, et Marseille continue à essuyer ses larmes…

Amine ne livre pas un récit complaisant, ni envers son frère assassiné, ni envers les institutions, ni envers les habitants, jeunes ou moins jeunes, des quartiers nord. Il veut secouer son monde en alertant au gigaphone, avec beaucoup de verve, d’intelligence, de rage, de tristesse, mais aussi d’humanisme, sur le sort funeste qui attend tous les jeunes qui centrent leur existence sur le trafic et son environnement souvent hostile.

Ce trafic est contrôlé par des hommes qui savent exploiter le vide laissé par les espoirs perdus et le manque de reconnaissance. Entrer dans le trafic, c’est prendre le risque de ne réussir à en sortir qu’avec les pieds devant, tente de nous faire comprendre Amine qui a perdu le 13 novembre 2025 son petit frère Mehdi, mais ne veut surtout pas se taire, bien au contraire…

Thibault de Vivies
DopamineCity.fr