Les précédents états généraux de la Ligue contre le canceront eu lieu en 1998, voilà exactement vingt ans. A l’époque, ils avaient débouché sur le lancement des « Plans cancer », puis sur la création de l’Inca, l’Institut national du cancer. C’est dire l’importance des Premiers états généraux de la prévention, qui se déroulent ce mercredi 21 novembre au palais d’Iéna à Paris. Il ne s’agit rien de moins que de pousser enfin les pouvoirs publics – et la société dans son ensemble – à se saisir de la question pour que cette maladie, à l’origine de 150 000 décès chaque année en France, recule enfin. La présidente de la Ligue, le Pr Jacqueline Godet, explique la démarche engagée par son association depuis un an, et détaille pour l’Express les principales propositions présentées aujourd’hui.
Pourquoi consacrer ces états généraux à la prévention ?
Il est désormais scientifiquement établi que 40% des cancers sont évitables. Les principaux facteurs de risques sont connus : alcool, tabac, sédentarité, alimentation déséquilibrée, pollution… Il faut maintenant passer à l’action. Des progrès très importants ont été réalisés ces dernières années dans les traitements : on guérit toujours plus de patients, même si cette maladie reste la première cause de décès dans notre pays. Pour autant, l’incidence des cancers continue d’augmenter, y compris chez les jeunes. Pour faire mieux, pour épargner davantage de vies, pour éviter des souffrances inutiles, nous devons nous interroger collectivement sur ce phénomène, et nous donner les moyens d’y faire face. La Ligue a toute légitimité à agir sur cette question, car la prévention a toujours fait partie de notre ADN.
Comment pensez-vous pouvoir peser aujourd’hui, alors que la prévention a toujours été le parent pauvre des politiques de santé publique en France ?
Ce qui fait la force de nos propositions, c’est qu’elles émanent d’une consultation très large. Nous avons mobilisé la société civile et nos nombreux partenaires (1) pendant un an, à travers dix ateliers qui ont réuni à chaque fois 50 experts sur des thématiques ciblées. Nous avons aussi mené deux consultations citoyennes sur Internet. Tout ce travail a été synthétisé dans un livre blanc, dont ont été tirées 11 propositions phares, déclinées en plusieurs actions très concrètes. Nous sommes confiants : la société évolue, les Français deviennent plus sensibles à tout ce qui touche à l’environnement et au climat. Nous voulons profiter de ce mouvement, même si nous avons conscience que la prévention est un combat de longue haleine, car elle demande des efforts à la fois individuels et collectifs.
Elle demande surtout de lutter contre de nombreux lobbys. Comme par exemple celui de l’alcool, face auquel la ministre de la santé Agnès Buzyn n’a jusqu’ici pas eu gain de cause. Que proposez-vous à ce sujet ?
Nous adoptons une démarche similaire à celle menée contre le tabac, dont la consommation recule pour la première fois cette année – y compris chez les adolescents, pourtant la première cible des industriels. C’est le résultat d’un combat de vingt ans, dans lequel la Ligue a beaucoup oeuvré. L’augmentation des taxes a joué un rôle très important dans ces bons résultats, et nous demandons que, de la même façon, les taxes sur l’alcool soient très fortement relevées. Nous attendons aussi un renforcement du contrôle de la publicité contre les produits alcoolisés. La mention « à consommer avec modération » ne suffit pas, il faut aller plus loin. Nous espérons que l’engagement de la Ligue permettra de peser sur les décisions dans ce domaine.