
Lucie Chaumette : Le volume de mise pour les paris sportifs a été multiplié quasiment par trois en cinq ans chez les adultes. Est-ce que ça, c’est inédit ?
Bernard Basset : Oui, c’est inédit et c’est directement la conséquence de la libéralisation du marché qui a eu lieu en 2010, et aussi de l’absence de régulation forte de la part de l’État. Alors c’est vrai qu’il y a une agence nationale des jeux, mais elle n’a pas les moyens suffisants, en personnel mais aussi en juridique. La loi est extrêmement souple. Ça permet aux opérateurs de s’engouffrer et de jouer sur les failles et d’amener les gens à jouer et à jouer constamment.
La démocratisation de l’accès à ces paris sportifs passe notamment par Internet, par les réseaux sociaux ?
Oui, elle passe par Internet, évidemment, parce qu’on peut jouer à toute heure du jour et de la nuit. La nuit, on peut parier sur des événements sportifs qui ont lieu sur un autre continent. On peut jouer sur toutes les plages horaires. Et puis, c’est vrai que les jeux en eux-mêmes sont promus par les réseaux sociaux et par les influenceurs. Il y a des liens qu’on pourrait définir « incestueux » entre les influenceurs et les opérateurs de paris sportifs, où tout le monde gagne sauf les joueurs.
Finalement, c’est un peu de la pub quand on voit des influenceurs qui parlent de paris sportifs et qui en font la promotion. Elle est très agressive, la publicité de cette industrie ?
Elle est extrêmement agressive et extrêmement pernicieuse. Elle agit de deux manières. D’une part, elle s’associe avec l’image positive du sport. Tout le monde aime le sport, évidemment. Mais on induit l’idée que si on aime le sport, il faut parier, qu’il faut jouer. Et ça, évidemment, c’est dommageable pour les joueurs, parce que de toute façon, ils perdent. Et puis, on a des systèmes pour faire entrer les gens dans le jeu : des gratifications, des bonus, où, en fait, on fait rentrer le joueur en lui faisant croire qu’il joue gratuitement. Mais il est entré dans un système qui l’oblige à jouer constamment.
Et ça cible qui, ce genre de mécanismes de publicité ? Est-ce qu’il y a un public qui est plus ciblé que d’autres ?
Oui, les opérateurs ciblent évidemment les jeunes, qui sont les principaux spectateurs du sport. Ils ciblent aussi les personnes en situation de précarité, parce qu’on leur vend l’illusion de gagner, l’illusion de l’espoir de sortir d’une situation difficile. C’est une illusion. Cette promotion est en principe interdite. Tous les opérateurs jouent là-dessus.
Est-ce que vous demandez aujourd’hui une interdiction plus ferme, justement, de ce genre de publicité, de ce genre de promotion ?
Oui. Nous, on demande l’équivalent d’une loi Evin sur les jeux, c’est-à-dire de réguler la publicité, de réguler son contenu, de pouvoir informer, mais de ne pas promouvoir une activité qui, finalement, est dommageable pour les joueurs. Ils s’enferment dans le jeu, ils deviennent addicts, ils ne peuvent plus s’en passer, leur vie sociale tourne autour du jeu, autour des paris. Et évidemment, leurs finances en sont affectées, mais aussi leur vie sociale, leur vie affective. Ils s’isolent, ils jouent.
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