Parmi l’ensemble des troubles mentaux en France, les troubles addictologiques sont ceux associés avec le plus faible taux d’accès vie-entière à une prise en charge médicale

Le « Treatment Gap » est l’écart entre le nombre de sujets atteints d’un trouble, et le nombre de sujets effectivement pris en charge pour ce trouble. On sait que les pathologies psychiatriques sont celles qui ont les taux de Treatment Gap les plus élevés.

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Le « Treatment Gap » est l’écart entre le nombre de sujets atteints d’un trouble, et le nombre de sujets effectivement pris en charge pour ce trouble. On sait que les pathologies psychiatriques sont celles qui ont les taux de Treatment Gap les plus élevés. Une publication très importante de l’OMS en 2006 (Kohn et al., 2006) montrait qu’en Europe, les troubles addictologiques étaient parmi les troubles mentaux qui avaient le Treatment Gap le plus élevé. Mais, en France, les études sur le niveau d’accès aux soins des troubles mentaux restent extrêmement rares.

En collaboration avec l’équipe du CC-OMS de Lille, et leur base ‘Santé Mentale en Population Générale’ (presque 40 000 participants représentatifs de la population française), qui explorait notamment les diagnostics psychiatriques à l’aide de l’outil MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview). De plus, nous avons regroupé un certain nombre d’indicateurs antérieurs de soins de santé mentale (c.à.d. déjà vu au moins une fois un psychiatre, déjà pris au moins une fois un psychotrope, déjà été hospitalisé au moins une fois en psychiatrie,..). Les participants qui n’avaient aucun de ces indicateurs étaient qualifiés de NUMT (No lifetime utilization of mental health treatment, c.à.d., pas de prise en charge antérieure de santé mentale). Nous avons regardé le taux de NUMT en fonctions des différents groupes de pathologies, c’est-à-dire troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles d’usage d’alcool, troubles d’usage de substances (autres que alcool), et troubles psychotiques. Le graphique ci-dessus illustre que plus de 50% des français atteints de troubles addictologiques, n’ont jamais suivi de prise en charge ou de traitement en santé mentale. Ces taux sont plus réduits pour les autres types de troubles.

Par ailleurs, les analyses multivariées ont montré que l’accès antérieur à des soins pour des troubles mentaux était associé avec un âge plus élevé, avec le fait d’être une femme, avec le fait de vivre seul, et d’être un français natif. Par ailleurs, les différents troubles comorbides renforçaient la probabilité antérieure de soins de santé mentale. En particulier, pour les sujets avec addictions, ceux qui avaient reçus des soins de santé mentale au moins une fois dans leur vie avaient une probabilité supérieure d’avoir un trouble de l’humeur ou un trouble anxieux associé.

La conclusion implicite de cette étude est que les prises en charge pour trouble anxieux ou troubles de l’humeur sont probablement des modes d’accès aux soins privilégiés pour des patients avec troubles addictologiques comorbides, d’où l’importance d’un repérage intensif des troubles addictologiques dans les prises en charge psychiatriques classiques.

Cette étude a fait l’objet d’un financement 2016 par la Fédération Actions-Addictions et Addict’Aide.

 

 

Par Benjamin Rolland   

Hélène Font 
Consultante-Statisticienne CC-OMS Lille

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