En complément des approches pharmacologiques, l’entretien motivationnel est souvent considéré comme une part indispensable du travail des soignants en addictologie pour permettre la réduction ou l’arrêt de l’usage de substances par les patients. L’entretien motivationnel est « une méthode clinique développée dans les années 80, et pouvant se définir comme un style d’entretien collaboratif aidant le patient à explorer et résoudre son ambivalence, à renforcer sa motivation intrinsèque et à soutenir son engagement vers le changement. Avant d’être une technique, c’est une posture, un état d’esprit qui implique d’être centré sur le patient. » (1).
Bien que cette approche ait montré des résultats intéressants, les données montrent toutefois une grande hétérogénéité de l’efficacité en fonction de qui l’applique et surtout du contexte dans lequel elle est réalisée. En particulier, dans le cas des troubles psychotiques, où le rapport à la réalité est perturbé, et où les aspects motivationnels du patient peuvent être vraiment atypiques, il est important de savoir si l’entretien motivationnel classique est efficace ou bien si d’autres approches ou des variantes de l’approche classique doivent être utilisées.
Dans cette méta-analyse parue dans le Journal of Clinical Psychiatry (2), les auteurs (issus de l’université de Hong-Kong) ont cherché et synthétisé les études ayant évalué l’entretien motivationnel en cas de cooccurrence d’un trouble psychotique (tout trouble) et d’un trouble d’usage de substance (tout trouble). Ils ont regardé si cette approche avait un impact sur le niveau d’usage de substance, et sur les symptômes psychotiques. Les études sources ont été recherchées dans de nombreuses bases de données, en particulier MedLine, la principale base scientifique des études médicales et PsycInfo, la principale base scientifique des études psychologiques. Sur les 1 134 articles pré-identifiés, 17 études ont finalement été intégrées dans la revue.
Les résultats montrent que les entretiens motivationnels, lorsqu’ils sont réalisés seuls, n’entrainent aucun effet sur la réduction des usages de substances ou des symptômes psychotiques. Lorsqu’ils sont associés à d’autres interventions, en particulier des traitements médicamenteux, l’effet propre des entretiens motivationnels sur les usages est faible, mais significatif, tandis que l’effet sur les symptômes psychotiques reste nul.
Avec les limites que le nombre d’études était limité et que les auteurs ont mélangé tous les troubles psychotiques et tous les troubles addictifs, les résultats de la méta-analyse suggèrent que l’entretien motivationnel est peu utile en cas de trouble psychotique. Ce résultat scientifique vient corroborer l’expérience clinique de nombreux praticiens. Il est important de réfléchir à développer et évaluer d’autres approches (groupales, cognitivo-comportementales, …) dans la prise en charge non-pharmacologiques des addictions en cas de trouble psychotique sous-jacent.
Sources
(1) Paille F, Mareek R. L’entretien motivationnel en consultation d’addictologie : soutenir l’engagement du patient vers le changement. Courrier des Addictions 2019 ; 21(2) :28-9. https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/28206.pdf
(2) Wang W, et al. Efficacy of Motivational Interviewing in Treating Co-occurring Psychosis and Substance Use Disorder: A Systematic Review and Meta-Analysis. J Clin Psychiatry. 2021 Dec 2;83(1):21r13916. doi: 10.4088/JCP.21r13916.
https://www.psychiatrist.com/jcp/psychotherapy/motivational-interviewing-for-psychosis-plus-sud/
Par Benjamin Rolland