La prévention de l’alcool en entreprise, des fêtes de fin d’année à moindre risque

Nous y voici ! Dans quelques jours seulement les fêtes de fin d’année vont prendre une place majeure dans le quotidien des Français. Noël, le réveillon du Jour de l’an, autant de moments de partage en famille ou entre amis, durant lesquels la consommation d’alcool augmente, car trop souvent liée à cette notion de convivialité. La fin d’année est également un temps fort en milieu professionnel, pendant laquelle se multiplient les pots visant à célébrer l’année écoulée, honorer la fin d’un cycle et renforcer les liens collectifs au travail ainsi que le sentiment d’appartenance. Plusieurs études menées par Santé publique France auprès du grand public pointent que l’alcool est associé au plaisir, à la convivialité en famille et entre amis, à la fête.

Mais la consommation de boissons alcoolisées en entreprises constitue réellement un facteur additionnel de risque pour la santé et la sécurité des salariés. Rappelons, car c’est inscrit dans la loi, que l’employeur à un devoir de responsabilité vis-à-vis de ses collaborateurs concernant sa santé et sa sécurité. Pour se souhaiter une bonne année et trinquer « à la santé » de ses collègues, de ses managers et responsables, l’alcool est encore dans certaines organisations un automatisme qui relie événement et convivialité. Pourtant, l’alcool n’a absolument rien à voir avec la bonne santé !

Addict’AIDE vous propose de revenir sur l’alcool, ce qu’il est réellement, ses effets, ses conséquences individuelles, collectives, sociétales, économiques et sa prévention en milieu professionnel.

L’alcool c’est de l’éthanol, un psychotrope addictif aux effets nocifs

L’éthanol en bref

Quand on questionne les personnes sur ce qu’elles pensent connaître réellement de l’alcool, toutes n’ont pas conscience qu’il s’agit tout d’abord d’éthanol, précise le Professeur Mickael Naassila, président de la Société Française d’Alcoologie (SFA).

L’éthanol est une molécule qui est présente effectivement dans l’intégralité des boissons alcoolisées. Elle fait partie de cette famille que l’on nomme les psychotropes qui peuvent atteindre le système nerveux central et le cerveau, avec des conséquences potentielles fortes sur notre santé. C’est véritablement une drogue précise, par ailleurs, le Pr Naassila. La particularité de cette molécule est sa capacité à se diffuser dans tout le corps, dans tout l’organisme, impactant de fait de nombreux organes, notamment le foie. De plus, et c’est important de bien le comprendre, elle va être dégradée, détruite se muant alors en une molécule sans doute encore plus toxique : l’acétaldéhyde, substance classée possiblement cancérogène pour l’homme par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC).

L’éthanol : des effets multiples sur notre santé

Selon le profil de consommation, l’intensité et la rythmicité de celle-ci, des risques sont avérés pour notre santé. Plus la consommation est importante et la fréquence soutenue et plus la personne peut développer des pathologies. Notons par ailleurs que l’alcool peut aussi accélérer et révéler des pathologies déjà présentes. Les conséquences peuvent être très nombreuses souligne le Pr Naassila, avec des dizaines de pathologies potentielles et traumatismes directement associés à l’alcool : cancers, maladies cardio-vasculaires (hypertension…), problèmes digestifs et hépatiques (le foie se dégrade, la moitié des décès liés à une maladie du foie est due à l’alcool), maladies mentales…

L’alcool : des effets sociétaux et économiques

Les effets de la consommation d’alcool sur la société sont conséquents, avec un coût social qui atteint 102 milliards d’euros par an selon les résultats de la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiés en 2023. Pour le Pr Naassila, il est nécessaire que le discours des politiques bouge afin que ce problème qui impacte l’individu, les entreprises, l’économie du pays, soit vraiment pris à bras le corps. Il regrette notamment que le Défi De Janvier « un mois sans alcool » ne bénéficie pas du même soutien collectif et politique que le Mois sans tabac. La prévention de l’alcool devrait être englobée dans un vrai projet de santé publique, ce qui n’est pas le cas à date selon lui. L’addiction à l’alcool est encore très mal perçue avec des tabous et des croyances fortes.

La prévention de l’alcool en entreprise, un enjeu de santé publique impactée par les tabous persistants

Les tabous et les croyances en entreprise sont encore forts

Thibaut FLEURY, directeur général du service de prévention et santé au travail EFFICIENCE SANTE AU TRAVAIL, nous partage son regard d’acteur sur un contexte encore souvent contraint par les croyances et des représentations erronées sur la personne ayant une conduite addictive liée à la consommation d’alcool. Selon lui, son organisation – qui œuvre notamment à la sensibilisation, l’information et la formation autour de la prévention de l’alcool au travail -, est encore trop souvent contactée quand les situations sont déjà critiques. Les premiers signaux n’ayant pas alerté, les salariés/agents sont pris en charge alors qu’ils sont déjà en grande difficulté.

Pourquoi un tel constat ? Selon lui, il existe encore une gêne des différents acteurs sur ce sujet, car ils ne sont sans doute pas assez préparés à cela. Et si la situation complexe est détectée en amont, souvent ces mêmes acteurs n’osent pas aborder en profondeur la problématique de l’alcool de peur de s’immiscer dans ce qui est encore considéré comme relevant de « la sphère privée ». Pourtant les conséquences sur l’entreprise sont multiples (retards, absentéisme, accidents du travail, employabilité, perte d’efficacité…).

Si l’alcool est encore très présent partout, inscrit comme nous l’avons évoqué dans les codes culturels de convivialité en France et dans de nombreux pays, il est indispensable que tous les acteurs et parties prenantes travaillent ensemble sur ce sujet : l’entreprise bien évidemment, mais aussi l’éducation nationale, les politiques… précise Thibaut Fleury.

Tout comme pour le handicap en entreprise, la communication a souvent mis en relief ce qui se voyait (les personnes en fauteuil roulant, les personnes aveugles…) omettant bien souvent les autres. Pour les addictions et notamment les conduites addictives liées à l’alcool, il semblerait qui plus est que les préjugés perdurent, avec encore trop souvent une représentation de la personne addicte à l’alcool qui ne tient pas debout, conclut Thibaut Fleury. Mais c’est bien plus complexe que cela. L’addiction à l’alcool peut s’installer bien avant que de tels signes apparaissent. Il est nécessaire de parvenir à changer les représentations, les tabous avec notamment un travail de sensibilisation important, en transparence, et engagé par tous.

Les pots festifs de fin d’année, et les pots en entreprises, sans alcool !

L’alcool consommé lors des pots et des vœux optimise le risque au poste de travail ou sur la route. Rappelons que l’alcool est la première cause d’hospitalisation en France. Baisse de la vigilance, prise de risques, réduction du champ de vision, étourdissements et effets sédatifs, troubles de l’équilibre, crises d’angoisses, stupeur, autant de conséquences potentiellement sévères sur la santé physique, psychique et émotionnelle du collaborateur. L’étude ActuSAM précise que conduire sous l’emprise de l’alcool multiplie par 17,8% le risque d’être responsable d’un accident routier mortel.

Selon le Code du travail, « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré ne sont autorisées sur le lieu de travail ». Pour autant, le Pr Naassila rappelle que toutes les boissons alcoolisées comportent de l’éthanol et sont donc à risque pour l’individu, même la bière et le vin. Avec une croyance maximale autour du vin, longtemps perçu dans le fameux « French Paradoxe » comme bon pour le cœur avec moins de maladies coronariennes. Mais il s’agit ici d’une seule pathologie, le cœur c’est bien la santé cardiovasculaire dans sa globalité. L’alcool est un hypertenseur, il induit des troubles du rythme cardiaque, augmente la fibrillation auriculaire, pouvant générer de l’insuffisance cardiaque et des troubles cardiaques sévères, des accidents vasculaires cérébraux…

Alors sur la question des vœux en entreprises, occasion additionnelle de consommer de l’alcool au travail, nous conclurons avec les mots de Thibaut Fleury d’Efficience santé au travail qui accompagne de nombreuses organisations sur tous les risques professionnels dont l’addiction :

« Je recommande aux entreprises d’être exemplaires sur le sujet des pots et pendant les vœux et de ne pas organiser des pots avec alcool. Il y a pour l’entreprise une responsabilité à long terme à exposer ses salariés à ce risque-là et une responsabilité immédiate car s’il arrive quelque chose après les vœux au travail, à un travailleur alcoolisé durant la rencontre entreprise cela va être un problème pour la personne et l’organisation ». 

Et d’ajouter « Dans tous nos événements d’entreprise, j’ai banni l’alcool. Nous avons constaté avec les cocktails et les boissons sans alcool que nous proposons, que la fréquentation du bar augmente de façon conséquente, soyez créatifs ».

Muriel Gutierrez (Amande épicée)

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