Quel impact du tabac, de l’alcool, et du cannabis, lors de la survenue d’un premier épisode psychotique ?

Les personnes avec schizophrénie, ainsi que les sujets affrontant un premier épisode psychotique, présentent plus souvent usages et troubles d’usage de substances, en particulier de tabac, de cannabis et d’alcool. Ces usages seraient liés à un pronostic plus péjoratif en terme de rétablissement, avec plus de rechutes, plus de difficultés d’observance, et des problèmes de santé physique plus fréquents.

Alcool

L’objectif de cette étude paru dans la revue Early Intervention in Psychiatry était de s’intéresser à l’impact de l’usage du cannabis, de l’alcool, et du tabac, lors d’un premier épisode psychotique. L’impact était évalué sur les symptômes psychiatriques ainsi que la qualité de vie. Les données de l’étude Recovery After an Initial Schizophrenia Episode- Early Treatment Program (RAISE-ETP) ont été utilisées. Les critères de jugement secondaires étaient la sévérité symptomatique ainsi que l’observance thérapeutique, estimée par le nombre de prises médicamenteuses omises par les participants, sur une période de 24 mois.

404 participants âgés entre 15 et 40 ont été recrutés depuis 34 centres de consultation ambulatoires. La consommation de substance était explorée de manière déclarative. La durée de psychose non traitée a été évaluée. Les symptômes psychiatriques ont été évalués par la PANSS, la sévérité symptomatique a été évaluée par la CGI et la qualité de vie par la QLS. Ces échelles ont été réalisées à l’inclusion, puis à 6, 12 et 18 mois. L’observance a été évaluée par le nombre de comprimés non pris par la Oral Antipsychotic Medication Adherence Review tous les mois. L’étude a été conduite en intention de traiter. Une analyse multivariée a été réalisée pour prendre en compte les facteurs confondants.

Sur l’ensemble de l’échantillon, 51% des participants ont déclaré une consommation de tabac, 28% un usage de l’alcool et 24% un usage de cannabis (dont 11% ont déclaré conjointement un usage d’alcool et de cannabis). Les fumeurs de tabac avaient une CGI (sévérité symptomatique) significativement plus élevée malgré la faible différence absolue (3,66 VS 3,42). De plus, ils avaient omis plus de prises médicamenteuses (10,92 Vs 8,02) que les non fumeurs. Les usagers de cannabis avaient une CGI également légèrement plus élevée que ceux qui n’en consommaient pas (3,63 Vs 3,45). Les usagers d’alcool ont omis plus de prises médicamenteuses (11,05 Vs 7,89) que ceux qui n’en consommaient pas.

Les fumeurs de tabac avaient une PANSS plus élevée. Les utilisateurs de cannabis avaient des scores plus élevés sur les items des symptômes positifs de la PANSS. La consommation d’alcool n’a pas montré d’effet sur ces items au niveau de l’échantillon. Enfin, les fumeurs de tabac avaient une qualité de vie inférieure à celle des non-fumeurs (2,84 Vs 2,15). Aucune différence significative n’a été retrouvée sur la qualité de vie pour les consommateurs de cannabis et l’alcool.

Cette étude confirme déjà que les usages de substances sont fréquents, puisque 50% des jeunes adultes affrontant un premier épisode psychotique avaient eu une consommation d’alcool ou de cannabis lors du mois précédent la prise en charge, ce qui est concordant avec d’autres études. De même, 50% des participants à l’étude RAISE-ETP ont déclaré une consommation de tabac. Il s’agit de la première étude qui évalue l’effet simultané du tabac, de l’alcool et du cannabis lors de premiers épisodes psychotiques sur une période de 2 ans, avec une prise en compte de facteurs confondants.

Le tabac était associé à des symptômes psychiatriques ainsi qu’un retentissement fonctionnel importants, ainsi qu’une observance médiocre et une faible qualité de vie. Par ailleurs, l’alcool était uniquement associé à un défaut d’observance. Le cannabis était associé à un retentissement fonctionnel et des symptômes positifs plus importants. Cette étude confirme que le tabac, autant que le cannabis, est un facteur de sévérité psychiatrique lors de la survenue d’un premier épisode psychiatrique.

Peu d’études concernant les premiers épisodes psychotiques s’intéressent aux usages et aux addictions, alors qu’il est nécessaire de les prévenir et de les traiter dans cette population. Cette étude a pour principale limite l’évaluation déclarative des participants concernant leurs addictions. De plus, l’étude a été menée sur les patients déjà pris en charge, ce qui n’est pas représentatif de la population totale des personnes faisant un premier épisode psychotique. Enfin, les tailles d’effets pour les associations retrouvées ne sont pas élevées.

Sofia EL OUSSOUL

Interne en psychiatrie à Lyon

 

Benjamin ROLLAND

Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

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