Quelles évolutions à attendre pour les diagnostics addictologiques dans la CIM-11 ?

Dans le domaine la psychiatrie et de l’addictologie, deux classifications internationales sont utilisées. Tout d’abord la classification américaine des troubles mentaux, le fameux DSM (Diagnostic & Statistical Manual) qui en est actuellement à la 5e version (DSM-5).

Dans le domaine la psychiatrie et de l’addictologie, deux classifications internationales sont utilisées. Tout d’abord la classification américaine des troubles mentaux, le fameux DSM (Diagnostic & Statistical Manual) qui en est actuellement à la 5e version (DSM-5). Ensuite, la classification internationale des maladies (CIM) élaborée par l’OMS. La version actuelle de la CIM est la 10e (CIM-10), mais une onzième est en préparation.

En addictologie, le passage du DSM-IV au DSM-5 ne comportait pas qu’une transition des chiffres romains vers les chiffres arabes. Une refonte substantielle des principes nosographiques a été réalisée, puisque les diagnostics antérieurs de dépendance et abus ont fusionné sous un concept plus global appelé « trouble d’usage de substance », et mesuré par onze critères cliniques qui s’additionnent pour définir un niveau de sévérité de léger à sévère. C’est ce qu’on a appelé le passage d’une classification catégorielle à dimensionnelle. Si le DSM-5 a été critiqué pour l’apparition de nombreux nouveaux diagnostics que certains ont considérés comme une dérive à la médicalisation à outrance de la souffrance psychique, en addictologie les évolutions nosologiques ont été plutôt bien acceptées par la communauté. En pratique, le DSM-5 reste peu utilisé par les purs cliniciens, et il reste un outil principalement utilisé pour la recherche. La CIM-10 au contraire est le socle des codages PMSI, et elle est donc très utilisée par les services d’addictologie, en particulier à l’hôpital. Contrairement au DSM-5, elle reste catégorielle, et sépare la dépendance d’un côté et l’usage nocif de l’autre, au sein d’un vaste ensemble appelé « troubles liés à l’utilisation d’une substance psychoactive » et qui, contrairement au DSM-5, inclut aussi des diagnostics non-psychiatriques comme l’intoxication aigue ou le syndrome de sevrage. Des catégories non-diagnostiques, notamment l’usage à risque et l’usage simple, étaient aussi définies en marge des troubles constitués, mais ne constituait pas en soi des maladies.

 

Après les évolutions du DSM-5, beaucoup de spécialistes du domaine étaient impatients de découvrir à quoi allait ressembler la nouvelle mouture de la CIM. C’est ce qu’aborde Wladimir Poznyak, responsable des questions d’addictions à l’OMS, dans cet article paru dans la revue Epidemiology & Psychiatric Sciences. Premier point important, mais qui était déjà connu, la CIM-11 va rester catégorielle et ne suivra pas le tournant dimensionnel du DSM. L’OMS prévoit par ailleurs d’introduire une sous-catégorie d’usage nocif qui permettrait d’inclure les épisodes isolés, qui ont par exemple amené à une hospitalisation aux urgences ou ailleurs. L’usage à risque pourrait également faire son entrée officielle dans la CIM, alors qu’il ne s’agissait pas d’un trouble constitué dans la CIM-10. L’OMS propose d’ailleurs de l’intégrer sous la forme d’un item « facteurs influençant l’état de santé et la rencontre avec les services de santé » et non comme un diagnostic à part entière. Mais ils souhaitent accroitre sa visibilité car le label d’usage à risque était présent dans les documents de l’OMS mais pas dans la CIM jusqu’à présent. Enfin, l’OMS veut simplifier les critères diagnostics de dépendance à une substance, ce qui serait en effet une bonne idée car cela permettrait plus facilement aux cliniciens de les connaitre par cœur et donc de les utiliser en pratique. Enfin, et c’est bien logique au vu du paysage actuel de l’usage de substance, la CIM-11 inclura plus de substances potentiellement concernées par les qualifications de « troubles liés à l’utilisation d’une substance psychoactive ». Malheureusement, l’article n’aborde pas l’état des réflexions concernant les addictions comportementales, en particulier si de nouveaux troubles en lien avec certains usages (internet, sexe, …) sera intégré à la classification officielle.

 

Par Benjamin Rolland

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