Quelles sont les approches utilisées par les patients sous méthadone suivis en médecine de ville pour arrêter le tabac?

Tabac

Malgré une diminution de la prévalence des troubles de l’usage de tabac ces 50 dernières années au niveau mondial, celle-ci reste très élevée chez les patients présentant un trouble d’usage d’opiacé. On retrouve dans cette population un tabagisme chez 77 à 92% des patients sous Méthadone (MMT), et 66 à 93% pour ceux sous Buprénorphine (BMT), alors qu’elle n’est que d’environ 15% en population générale. Les rechutes sont également plus fréquentes et la mortalité plus élevée chez ces patients. Le nombre de tentatives d’arrêts réussies sans traitement dans cette population est très faible. L’efficacité des traitements d’aide au sevrage tabagique est par ailleurs modeste chez les patients sous MMT, mais a peu été étudiée pour les patients sous BMT.

La possibilité d’accès en primo-prescription à la Buprénorphine en médecine de ville rend ce terrain très intéressant pour étudier ce phénomène. Des études antérieures avaient montré que l’évaluation de l’usage de tabac et la mise en place de stratégies d’aide au sevrage étaient peu proposées chez les patients sous BMT suivis en cabinet de ville. Une meilleure compréhension des mécanismes sous tendant ces pratiques pourraient donc permettre de les améliorer dans le futur. Les auteurs de cette étude ont réalisé une étude transversale pour décrire les pratiques en termes de consommation de tabac et de modalité de sevrage expérimentées par les patients suivis pour une substitution opiacé par Buprénorphine en médecine de ville.

Soixante-huit patients suivis pour un traitement de substitution à la Buprénorphine ont été inclus dans l’étude. La majorité de ces patients (87,7 %) fumaient des cigarettes au moment du protocole, 7,9 % étaient d’anciens fumeurs et 4,4 % n’avaient jamais fumé. Plus de la moitié des fumeurs actuels (54,3 %) étaient fortement dépendants à la nicotine. Parmi les fumeurs vie entière, 83,1 % ont signalé au moins une tentative de sevrage tabac et 78,5 % ont déclaré avoir pris des médicaments pour essayer d’arrêter (75,4 % ont utilisé au moins une forme de traitement de substitution de la nicotine (TSN), 29,2 % la varénicline et 9,2 % le bupropion). Parmi ceux ayant utilisé les TSN, ce sont les patchs de nicotine (63,1 %) et les gommes (47,7 %) qui l’ont été le plus fréquemment. Dix patients (15,4 %) ont déclaré utiliser des cigarettes électroniques pour essayer d’arrêter de fumer. L’arrêt par sevrage brutal et la diminution graduelle du nombre de cigarettes fumées ont été les méthodes non pharmacologiques de sevrage le plus souvent essayées, par 40,0 % et 32,3 % des patients respectivement. 12% des patients ont fréquenté une structure hospitalière ou un programme spécifique d’aide à l’arrêt. Peu de patients en revanche ont eu recours au coaching individuel (6,2 %) ou à une ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabac (1,2 %). Les patients fumant de manière plus fréquente avaient des doses significativement plus élevées de Buprénorphine et une durée de traitement plus longue.

En conclusion, la prévalence du tabagisme est bien retrouvée à des niveaux importants dans la population des patients sous substitution opiacé suivi en ville, alors même que ces patients mettent en place des stratégies de sevrage et ont déjà eu accès à de nombreux outils d’aide à l’arrêt du tabac. Il conviendrait donc dans le futur d’évaluer et améliorer les options thérapeutiques déjà existantes, en développant en particulier les stratégies cognitivo-comportementales, pour optimiser les options thérapeutiques d’aide au sevrage tabagique dans cette population.

Par Julien Cabé

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