Qui participe au Dry January et quels sont les bienfaits d’une participation ? Un résumé de 4 études britanniques

Cet article fait suite au 1er billet rédigé sur le Dry January. Il détaille les résultats des quatre études de l’équipe du Dr Richard de Visser qui y sont mentionnées.

Alcool

Le Dry January, une campagne qui réduit la consommation d’alcool à long terme

de Visser, R et al. (2016). Voluntary temporary abstinence from alcohol during “Dry January” and subsequent alcohol use. Health Psychology, 35(3), 281–289.

Dans cette étude, 857 volontaires anglais participant au Dry January ont rempli un questionnaire avant le début et à la fin du Dry, puis 6 mois plus tard. Ce questionnaire évalue la consommation d’alcool (la quantité, les habitudes de consommation, etc…) et le sentiment d’efficacité personnelle à refuser une boisson alcoolisée. Il a aussi été demandé aux participants s’ils faisaient le Dry January en binôme ou s’ils obtenaient une récompense financière s’ils complétaient leur mois (sponsorisation).

Pour résumer ce qu’est le sentiment d’efficacité personnelle à refuser un verre d’alcool, on peut dire que c’est la capacité perçue à refuser une consommation d’alcool. On l’applique généralement à trois domaines :  au niveau social dans les endroits et réunions où les personnes consomment habituellement de l’alcool, dans les moments où l’on est en proie à des émotions négatives, et lorsqu’on n’avait pas prévu de boire mais qu’une opportunité de boire se présente. On sait qu’un haut sentiment d’efficacité personnelle à refuser un verre d’alcool est corrélé à une consommation d’alcool moins risquée et moins dommageable à long terme.

Le but ici est de voir avec quoi est corrélé/lié le fait de parvenir à un mois d’arrêt d’usage – en d’autres termes quelles caractéristiques présentent ceux qui réussissent et ceux qui échouent – et quelles sont les conséquences d’un échec ou d’une réussite à cette abstinence temporaire sur la consommation d’alcool à long terme.

Les participants qui terminent avec succès le mois sans alcool ont au départ une consommation d’alcool plus modérée que ceux n’y parviennent pas. Ils ont également un sentiment d’efficacité personnelle à refuser un verre plus élevé, et ont eu moins d’épisodes d’ivresse le mois précédant le Dry January. Ce paramètre est d’ailleurs le seul à prédire les chances de succès au Dry January. Les résultats montrent aussi que le phénomène de rebond (reboire plus d’alcool après une période d’arrêt), qu’on craignait voir apparaitre avec le Dry January, est en fait retrouvé chez une minorité de participants.

Le fait de participer au Dry January est lié à une baisse de la consommation d’alcool et à une élévation du sentiment d’efficacité personnelle à refuser un verre d’alcool 6 mois plus tard. Cela est d’autant plus vrai pour les participants qui ont réussi à compléter le challenge Dry January.

 

Le Dry January : une campagne qui monte en puissance

de Visser, R et al. (2017). The growth of ‘Dry January’: promoting participation and the benefits of participation. Eur J Public Health. 27(5):929-931

Dans cette nouvelle étude parue un an plus tard, le but est de comprendre ce qui a pu contribuer à la propagation du mouvement Dry January, notamment pour objectiver l’effet de la campagne de diffusion, et de mettre en évidence les bénéfices d’une participation officielle au programme c’est-à-dire avec inscription sur le site ou l’application du Dry January.

Trois populations sont comparées : des usagers d’alcool dans la population générale entre 2015 et 2016, les participants officiels au Dry January en 2015 et un échantillon d’usagers d’alcool qui souhaitent modifier leur consommation sans s’être inscrits pour le Dry January. Pour chacun de ces groupes, on a recueilli des questionnaires portant à la fois sur la consommation d’alcool, mais aussi sur la capacité à refuser un verre d’alcool.

Les résultats montrent tout d’abord une nette majoration des inscriptions pour le Dry January entre 2013 (4 000) et 2016 (60 000), avec un pic à partir de 2015, période qui coïncide avec le partenariat entre Public Health England et Alcohol Change UK pour promouvoir le Dry January au travers des médias (partenariat efficace donc !). Ils montrent ensuite une augmentation du nombre de participants officieux – sans inscription officielle – au Dry January : 7% en 2015 versus 11% en 2016. Enfin, les participants officiels au Dry January obtiennent des scores AUDIT (Alcohol Use Disorder Test, un questionnaire pour rechercher un mésusage d’alcool) significativement inférieurs aux autres groupes 6 mois après avoir participé au Dry January. S’inscrire pour le Dry January permettrait donc entre autres de réduire le mésusage d’alcool à long terme.

On peut dire que, depuis 2013, le Dry January est de plus en plus populaire et suivi au Royaume-Uni, et qu’il produit des résultats bénéfiques puisqu’il permet aux participants de baisser leur consommation d’alcool sur le long terme.

 

Le Dry January : une campagne bénéfique … même en cas d’échec.

de Visser, R, & Nicolls, J (2020). Temporary abstinence during Dry January: predictors of success; impact on well-being. Psychol Health. 35(11):1293-1305

Cet article détaille une étude qui cherche à évaluer l’impact du challenge Dry January sur le bien-être, le sentiment d’efficacité personnelle, mais aussi à déterminer s’il existe des facteurs pouvant prédire la réussite du challenge. Elle a été réalisée à partir de questionnaires proposés sur internet aux participants qui se sont enregistrés sur le site officiel du Dry January. Deux questionnaires ont été proposés : le premier au début du mois et le second à la fin. Les données de 4 232 participants, âgés de 18 à 76 ans, ayant complété les deux questionnaires, ont été analysées. Les questionnaires contenaient des échelles validées mesurant les quantités des consommations d’alcool (AUDIT 10), le sentiment d’efficacité générale (GSE scale) et le bien être (échelle WEMWBS).

Les résultats de l’étude ont montré des facteurs qui prédisent la réussite du challenge : le sexe masculin, le bas niveau de consommation avant le challenge et la lecture systématique des e-mails de soutien envoyés par le site internet. Contrairement à ce qui était attendu le fait d’avoir un “compagnon de Dry January” réalisant le challenge en même temps que soi n’est pas un facteur de réussite.

On retrouve également :

  • Une amélioration du bien-être global chez tous les participants, que le challenge soit réussi ou non.
  • Une amélioration du sentiment d’efficacité personnelle, pour les participants ayant réussi le challenge.

De plus, la majorité des participants rapportent avoir économisé de l’argent (63%), avoir une meilleure qualité de sommeil (56%), avoir plus d’énergie (52%) et une meilleure santé globale (50%). Une autre analyse a été menée sur la façon dont les e-mails de soutien envoyés de manière automatique par le site internet du Dry January sont perçus par les participants : la grande majorité des participants les trouvent utiles (note d’utilité de 3,9/5) et les recommanderaient.

La participation au Dry January augmente donc le bien être global, et chez les personnes qui ont réussi le challenge elle augmente aussi le sentiment d’efficacité personnelle.  Les bénéfices sont nombreux sur la santé, d’autant plus que le challenge est réussi. La mise en place de soutiens externes (type mails ou sms de soutien) semble très intéressante pour augmenter les chances de réussite.

 

Le Dry January, une campagne qui vise une population à risque

de Visser, R, & Piper, R (2020). Short- and Longer-Term Benefits of Temporary Alcohol Abstinence During ‘Dry January’ Are Not Also Observed Among Adult Drinkers in the General Population: Prospective Cohort Study. Alcohol Alcohol. 55(4):433-438

Cette étude compare les réponses à une série de trois questionnaires de suivi (début janvier au début de la campagne, début février juste après la campagne, puis début août 6 mois après la fin de la campagne) de 1 158 participants inscrits à la campagne Dry January et de 1 583 adultes buveurs d’alcool issus de la population générale n’ayant pas participé à la campagne. Ces questionnaires portent sur le sentiment perçu de bien-être physique et psychologique, la capacité perçue à refuser la consommation d’alcool, et le niveau de la consommation d’alcool.

Les réponses montrent que par rapport à la population générale, les participants au Dry January sont plutôt des femmes, plus jeunes,  avec un niveau socio-économique et un niveau d’étude plus élevés et un sentiment perçu de bien-être physique plus élevé.

Les participants se disent en revanche plus soucieux des effets de la consommation d’alcool sur leur santé et du contrôle qu’ils ont sur leur consommation. Ils ont une consommation d’alcool plus importante, une moindre capacité à refuser de boire, et un bien-être psychologique perçu plus bas.

L’étude compare également l’amélioration des différents indicateurs (entre autres, niveau de consommation d’alcool, niveau de bien-être psychologique, niveau de sentiment d’efficacité personnelle) chez les participants selon qu’ils ont réussi ou échoué au challenge d’abstinence. Les participants ayant échoué présentent des améliorations plus modestes que ceux qui ont réussi à être abstinents tout le mois de janvier.

On observe que les participants à la campagne ont tendance à boire plus que la population générale, et que la campagne est donc pertinente pour cette population cible puisqu’elle aide à réduire la consommation d’alcool et améliore la qualité de vie.

En conclusion, cette étude montre que le Dry January est un moyen efficace d’améliorer la santé et le bien-être des participants à la campagne, même en cas d’échec à tenir le mois sans alcool. Elle montre également qu’il est crucial de garantir une couverture plus large de la population, particulièrement à destination des personnes aux niveaux socio-économiques plus bas.

 

 En conclusion de ces quatre études, on voit que le Dry January

…Est de plus en plus populaire chaque année au Royaume-Uni.

…Est destiné plutôt aux personnes ayant un usage d’alcool à risque.

…Permet de diminuer à long terme sa consommation d’alcool.

…N’entraine un rebond de la consommation d’alcool à la fin du mois que chez une minorité des participants.

…Améliore la qualité de vie sur plusieurs aspects : le bien-être psychologique, la capacité perçue à refuser un verre, mais aussi le sommeil et la santé physique et globale (notamment avec la possible perte de poids),

…Est bénéfique pour tous les participants, que l’arrêt d’alcool soit maintenu avec succès sur le mois ou non.

…Voit sa réussite facilitée par les outils numériques officiels (mails et sms, informations sur le site internet, application).

 

 

Équipe de réalisation

 Sophie-Athéna Creusot, assistante en psychiatrie & addictologie à Bordeaux

Julia de Ternay, interne en psychiatrie, FST d’addictologie à Lyon

Céline Giraudet, interne en psychiatrie, FST d’addictologie à Lyon

Rayane Hamza, interne en psychiatrie, FST d’addictologie à Lyon

Pierre Leblanc, assistant hospitalo-universitaire en santé publique à Lyon

Pr Benjamin Rolland, PU-PH en psychiatrie & addictologie à Lyon

Pr Philippe Michel, PU-PH en santé publique à Lyon

Dr Bernard Basset, médecin en santé publique, président de l’Association Addictions France et vice-président d’Addict’Aide.

Pr Amine Benyamina, PU-PH en psychiatrie & addictologie à Paris, président d’Addict’Aide et de la Fédération Française d’Addictologie.