TEMOIGNAGE / Jour zéro j'arrête

Cet état de dépression absolue, cette maladie du corps et de l’âme a un nom, elle donne envie de mourir pendant 24/48 heures, puis repart comme si rien de rien n’était…

Alcool

Devant le miroir, je regarde les plaques rouges sur mes pommettes, étaient-elles là hier ? Et les traits tirés ? Et le visage bouffi ?

Cet état de dépression absolue, cette maladie du corps et de l’âme a un nom, elle donne envie de mourir pendant 24/48 heures, puis repart comme si rien de rien n’était…

La veille, j’étais à l’aéroport. Pas mal de temps avant d’embarquer. Sans vraiment l’avoir planifié, je passe d’un restaurant à l’autre dans le terminal pour boire une demi-bouteille de vin par-ci, une bière par là, une autre demi-bouteille et puis encore une bière et une autre, j’arrête de les compter.

Une dispute d’une toxicité niveau 10 (sur une échelle de 0 à 5) avec ma famille m’a vidée, laminée, finite, envie de disparaître, alors bois ma fille, bois, à défaut de te faire disparaître, ça te mettra au moins entre parenthèse pendant quelques heures. Car l’alcool est un pansement miraculeux, il balaie les chagrins, élimine les malaises, dissout les impressions de n’être à sa place nulle part, il fait même danser sur les tables et embrasser des inconnus.

Dans cette salle d’embarquement, je ne compte plus les verres mais je suis persuadée de donner le change, je marche à peu près droit et parle sans trop manger mes mots.

Pourtant, des signes devraient m’alerter.

Le vieux couple qui change de siège pour s’installer à l’autre bout de la rangée, les yeux d’un serveur qui se détournent d’un air gêné, l’hôtesse qui se force à sourire en me rendant mon billet avant l’embarquement, sans doute a-t-elle senti mon haleine, son rôle est de sourire, elle s’y tient, en professionnelle, malgré les sourcils froncés.

Tout ça, je le vois, mais je suis trop ouatée pour que ça s’imprime vraiment.

L’Enfant qui me tient la main ne s’est rendu compte de rien, sauf peut-être que sa mère ne l’écoute pas, qu’elle rit toute seule, qu’elle appelle tous les numéros enregistrés sur son téléphone et répète en boucle je t’aime si fort mon amour avant de s’endormir sur son siège en ronflant avec la délicatesse d’un tracteur.

Oui, parce que je n’étais pas seule à ce moment-là. Il y avait l’Enfant au bout de mon bras.

Heureusement, ce n’est pas moi qui conduisais l’avion.

Alors c’est terminé. Je n’en peux plus.

A partir d’aujourd’hui, je ne bois plus d’alcool.

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