Traitement médicamenteux du trouble de l'usage de l'alcool : les enjeux de l’adaptation de la recherche aux populations cibles

Alcool

Le trouble de l’usage de l’alcool (TUA) est l’une des principales causes de décès évitables dans le monde. Depuis la pandémie de Covid-19, le nombre de personnes souffrant de TUA est en augmentation. Sur cet enjeu mondial de santé publique, la place des traitements pharmacologiques reste importante.

Une méta-analyse menée par des chercheurs américains et publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) s’est attachée à passer en revue la littérature scientifique existante sur les traitements médicamenteux du TUA. 118 études soit 20 976 participants souffrant de TUA ont été retenues pour déterminer quelle thérapeutique était associée à une amélioration des résultats cliniques. Parmi les traitements ayant une autorisation de mise sur le marché, l’article met en avant de nombreux biais dans l’évaluation de leurs efficacités respectives. En effet, pour une grande partie des études, les auteurs constatent une faible puissance des durées d’évaluation considérées comme trop courtes (moins de 12 semaines).

Les traitements pharmacologiques actuels du TUA (naltrexone, acamprosate, baclofène, disulfiram) montrent une efficacité faible à modérée sur les consommations quotidiennes ainsi que dans le cadre de la réduction des consommations importantes.

Concernant les études sur des traitements n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché pour le TUA, le topiramate s’est révélé prometteur sur une indication de réduction de consommation. Pour autant, les effets indésirables non négligeables associés à ce médicament imposent une retenue des spécialités. La gabapentine en revanche n’a montré que peu d’intérêt, notamment par manque d’études solides.

Hormis l’évaluation des différents traitements, cette étude souligne de nombreux biais dans la recherche actuelle.

  • Tout d’abord, les critères de sélection des patients. En effet, dans les études sélectionnées pour la méta-analyse, seulement 90 % des patients remplissent les critères diagnostiques du TUA du Diagnostic and Statistical Manual V (DSM-V).
  • Ensuite, de nombreux travaux se sont attachés à envisager l’efficacité des traitements sur les consommations quotidiennes et excessives, ce qui ne définit qu’une partie des personnes souffrant d’un TUA.
  • De plus, les répercussions d’une consommation problématique d’alcool, comme les accidents domestiques, les accidents de la voie publique, la qualité de vie estimée ou encore les répercussions sur la santé physique ou psychique, ne sont que très rarement prises en compte dans les recherches.
  • Enfin, les travaux actuels intègrent des patients majoritairement masculins dont la moyenne d’âge se situent entre 40 et 49 ans. On sait aujourd’hui qu’il existe des différences notables dans les consommations ainsi que dans les réponses thérapeutiques chez les hommes et les femmes.

Les études actuelles ne prennent que trop peu en considération l’efficacité des traitements chez les plus jeunes. Le repérage ainsi que le traitement précoce du TUA apparaît pourtant comme une stratégie intéressante afin de prévenir et limiter les répercussions que celui-ci peut engendrer.

Avec les progrès de la médecine, la population souffrant de TUA gagne en espérance de vie et se trouve aujourd’hui vieillissante. Ces données devront donc être prises en compte par les futures recherches afin de traiter les personnes âgées de plus de 65 ans.

L’intérêt clinique des associations pharmacothérapiques du TUA, combinaisons médicamenteuses, notamment dans l’aide au maintien de l’abstinence , doit également être mieux souligné.

Les nombreuses limites mentionnées de cette analyse ouvrent des portes pour les recherches à venir. Elles devront s’atteler à inclure les populations jusqu’à lors négligées ainsi qu’à prendre en considération les répercussions réelles, vécues ou ressenties des consommations problématiques d’alcool

Dr Michaël BISCH, Me Marine GARNIER

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