En France, les patients traités par baclofène pour alcoolodépendance et des prescripteurs dans le champ de l’addictologie retiennent leur souffle en l’attente de la décision par l’ANSM de délivrer ou non une AMM à la molécule dans le traitement de l’alcoolodépendance. Cette décision est attendue pour l’automne. Récemment, une commission d’experts indépendants réunie à la demande de l’ANSM (au passage, dans cette commission, aucun clinicien ni aucun prescripteur de baclofène), a jugé le rapport bénéfice risques du baclofène insuffisant dans le traitement de l’alcoolodépendance.
Il faut dire que les essais français à hautes doses n’ont pas vraiment rempli leur promesses. L’essai industriel ALPADIR s’est révélé négatif sur les principaux objectifs addictologiques, tandis que l’essais BACLOVILLE, censé montrer en théorie une efficacité du baclofène, n’est toujours pas publié alors que ses premiers résultats ont été annoncés depuis bientôt deux ans, ce qui est plutôt inquiétant sur le niveau global de qualité des données. Depuis l’essai allemand BACLAD de 2015, qui était positif, les quelques études complémentaires publiées n’ont pas retrouvé de différence entre le baclofène et le placebo. Bref, rien de bien folichon, malgré les témoignage de très nombreux patients, et même s’il a également été souligné que le design de la plupart des essais cliniques publiés n’avait en réalité rien à voir avec le mode d’utilisation du baclofène en France, où la dose utilisée n’est pas fixe, mais fluctue au contraire en fonction d’une équation permanente qui prend en compte l’effet immédiat sur les principaux critères addictologiques, mais aussi la tolérance globale du traitement, qui est très variable selon les individus.
Pour les prescripteurs de baclofène, voici donc une nouvelle publication bienvenue, dans un journal de renom. Les auteurs ont comparé, dans un design en double aveugle, trois groupes de patients alcoolodépendants avec ou sans maladie alcoolique du foie associée. Au total, 104 patients étaient répartis selon 3 modalités de traitement : 1) par placebo ; 2) 30 mg/j de baclofène ; et 3) 75 mg/j de baclofène. Les auteurs ont comparé l’évolution de ces groupes pendant 12 semaines après sevrage d’alcool, dans un design dit de maintien d’abstinence. Les résultats montrent un effet significatif du baclofène sur les délais de reprise du premier verre et de reprise du premier abus (au moins 6 verres). Sur les 12 semaines, la durée totale d’abstinence était de 43% chez les patients sous placebo, contre 69% chez les patients traités par 30 mg/j de baclofène, et 65% chez les patients traités par 75mg/j). La tolérance du baclofène était globalement très bonne dans cet essai et à ces doses.
Même s’il souscrit au design « classique » des essais cliniques dans l’alcoolodépendance (objectif de maintien d’abstinence post-sevrage, dose maximale fixe), cet essai clinique rappelle qu’il ne faut pas encore enterrer le baclofène, et que, bon gré, mal gré, un certain nombre d’essais cliniques retrouvent des résultats assez clairement positifs. Malgré cela, et en dépit de la nature prestigieuse du journal dans lequel cette étude est publiée, cette dernière souffre de limites scientifiques substantielles. Le nombre de participants est faible, en particulier pour un essai à trois groupes. Aucun calcul préalable d’effectif n’est annoncé, ce qui suppose qu’aucune hypothèse d’effet n’a été envisagé. C’est particulièrement étonnant, pour ne pas dire suspect, pour un essai clinique en double aveugle.
En résumé, cet essai clinique vient s’ajouter à la masse de données extrêmement contradictoires accumulées sur le baclofène ces dernières années. Comme les données précédentes (aussi bien d’ailleurs celles retrouvant un effet ou un absence d’effet du baclofène), cette étude comporte trop de limites pour être définitivement convaincante. Le baclofène peine manifestement à trouver une étude digne de l’espoir et de la passion qu’il suscite.