Une relation problématique à l’alimentation est associée à une trajectoire de prise de poids continue au fur et à mesure des années

Les TCA, qui sont fréquents chez les jeunes adultes, incluent à la fois l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse, l’hyperphagie boulimique, mais aussi un ensemble plus hétérogène de troubles des conduites alimentaires

Autres addictions comportementales

Les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont une problématique de santé publique. Ces troubles, qui sont fréquents chez les jeunes adultes, incluent à la fois l’anorexie mentale, la boulimie nerveuse, l’hyperphagie boulimique, mais aussi un ensemble plus hétérogène de troubles des conduites alimentaires dits « non spécifiés ». Si l’on considère l’ensemble de ces troubles, un nombre important de personnes souffrent de formes subcliniques, avec notamment des symptômes d’hyperphagie boulimique qui ne remplissent pas nécessairement tous les critères pour une forme complète de TCA, mais dont on peut penser qu’ils soient associés à des dommages tels qu’une prise de poids. Néanmoins, nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’étude de suivi prolongé à ce sujet.

L’objectif de cette étude était donc de chercher un lien éventuel entre des comportements alimentaires problématiques et une prise de poids. Les données issues de 3892 jeunes adultes participant à la cohorte « Coronary Artery Risk Development in Young Adults (CARDIA) ont été analysées de manière longitudinale pendant une période de 25 ans. Pour cette étude, les chercheurs se sont basés sur les mesures suivantes : mesure de l’Indice de Masse Corporelle (indicateur de la masse grasse) tous les ans pendant 25 ans ; mesure du comportement alimentaire 10 ans après le début de l’étude à l’aide de l’auto-questionnaire Questionnaire on Eating and Weight Patterns (QEWP-R). Le QEWP-R évalue plusieurs dimensions du comportement alimentaire, notamment la perte de contrôle vis-à-vis de l’alimentation, l’existence de crises de boulimie (prise alimentaires supérieures à la normale en moins de deux heures et avec perte de contrôle), les épisodes d’hyperphagie sans perte de contrôle, l’anxiété vis-à-vis de l’alimentation, l’existence de comportements dits compensatoires visant à prévenir la prise de poids (vomissements, laxatifs, …), la préoccupation pour l’apparence corporelle ou encore la pratique de régimes afin de prévenir une éventuelle prise de poids.

En utilisant un score composite témoin d’une relation problématique vis-à-vis de l’alimentation (issu du QEWP-R), ces chercheurs ont démontré que l’existence d’une relation problématique vis-à-vis de l’alimentation 10 ans après le début de l’étude était associée à une trajectoire de prise de poids croissante entre le début de l’étude (T0) et l’évaluation 25 ans plus tard, avec un effet graduel de la sévérité de ce score. Ainsi, le groupe présentant des « problèmes importants vis-à-vis de l’alimentation » rapportait une augmentation de près de 3 points d’IMC par rapport au groupe « pas de problème vis-à-vis de l’alimentation ». Les dimensions les plus fortement associées à la prise de poids étaient la perte de contrôle vis-à-vis de l’alimentation, l’existence de crises de boulimie, les épisodes d’hyperphagie sans perte de contrôle et la pratique de régimes visant à ne pas prendre de poids (que l’on peut rapprocher du concept de restriction cognitive, c’est-à-dire l’intention d’avoir un contrôle sur son poids en réduisant ses prises alimentaires par rapport à ses besoins).

On notera au passage les spécificités culturelles de cette étude américaine, puisque si les personnes ayant des « problèmes importants vis-à-vis de l’alimentation » rapportait une prise de poids d’environ 8 points d’IMC pendant une période de 25 ans (soit une prise de 23 kg en 25 ans si l’on considère une taille moyenne d’1m70), les personnes n’ayant « pas de problème vis-à-vis de l’alimentation » rapportaient tout de même une prise de poids de 5 points d’IMC pendant le suivi de l’étude (soit une prise d’environ 14 kg en 25 ans si l’on considère une taille moyenne d’1m70). Les spécificités du mode de vie et des habitudes alimentaires américains n’y sont probablement pas pour rien, et il serait intéressant de disposer de ce type d’études dans les autres pays occidentalisés, notamment européens, pour les comparer.

 

Par Paul Brunault 

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