Les Editions des Equateurs nous proposent ici un carnet de voyage, celui d’un journaliste qui décide de s’échapper un temps pour suivre les traces de l’écrivain Antonin Artaud qui, en 1936, entreprit un voyage dans la sierra mexicaine à la rencontre des Tarahumaras, ce peuple indien qui vit en marge du monde occidental et pratique des rites autour d’un cactus aux vertus hallucinogènes, le peyotl… De fin juin à fin août, le lecteur accompagne Felix Machevez dans son désir de découvrir cette terre et ce peuple, en espérant retrouver le sens et l’esprit des écrits d’Artaud et surtout cette autre réalité délivrée par la mescaline, sans qu’elle soit nommée ici, un des principaux alcaloïdes du peyotl…
Mais ce qui aurait dû être une découverte initiatique, se confronte à la réalité d’un peuple qui vit désormais côte à côte avec la modernité, et même en quête de celle-ci pour les nouvelles générations, mais surtout a perdu en quelque sorte ce qui faisait son identité. Les traditions se sont perdues, l’invasion des touristes, le narcotrafic, et une consommation d’alcool omniprésente ont achevé de noyer ce peuple et sa culture ancestrale… L’auteur passera d’une désillusion à une autre, mais ne lâchera pas l’affaire. Son séjour sera celui d’un Occidental en terre indienne qui doit faire profil bas pour entrer en contact et tenter de se fondre dans le paysage pour mieux apprivoiser ce qu’il reste de la culture Tarahumaras. Les Mexicains qui ont fait le siège de cette terre aride n’ont plus que mépris pour un peuple considéré comme assisté et alcoolique. Le manque de considération et la sortie de son isolement, a dénaturé l’esprit d’un peuple. Les narcotrafiquants profitent de la gentillesse légendaire des habitants et leur pauvreté pour exploiter la force des plus jeunes, les faire travailler dans les champs de cannabis, ou leur faire passer la frontière américano-mexicaine, tout ceci au service d’une force divine qui n’est plus spirituelle mais financière…
Qu’en est-il alors des rites du peyotl ? Ils sont réservés aux initiés et au peuple natif. Pour que l’auteur approche le petit cactus de forme ronde et ingère son bulbe contenant la substance active, il devra être conduit généreusement par un homme qui lui expliquera comment le dénicher et le consommer mais sans qu’aucune approche rituelle et spirituelle accompagne l’usage. Felix Machevez devra se débrouiller seul et s’y reprendre à deux fois pour tenter d’approcher les visions dont il pense qu’Artaud a été témoin. Là encore, les attentes ne sont pas totalement comblées…
Le voyage en terre Tarahumaras sera finalement un voyage en terre intérieure pour un auteur qui va découvrir en lui bien plus que ce qu’il espérait trouver aussi loin… Les envies d’ailleurs, en quête par exemple de substances hallucinogènes comme le peyotl ou l’ayahuasca, potion à base de racine contenant de la DMT que beaucoup d’occidentaux veulent expérimenter, ramènent finalement à soi, et à ce qui constitue peut-être le plus petit ou le plus grand dénominateur commun à tous les humains, à savoir leurs substances actives endogènes et leurs vertus…