Cinéma / “Ce qui nous lie“ de Cédric Klapisch

Alcool

 

Ce sont sur les terres viticoles bourguignonnes que nous embarque ce film, celles sur lesquelles une famille de vignerons a posé sa vie. Le frère aîné d’une fratrie de trois, Jean, revient dans le domaine familial, dix ans après l’avoir quitté, pour rendre visite à son père souffrant à l’hôpital. Ce dernier meurt deux jours après et les trois enfants, Jean, Juliette et Jérémie, qui ont déjà perdu leur mère cinq ans plus tôt, sont alors confrontés à la nécessité de vendre le domaine, dans sa totalité ou en partie, ou de vendre la maison familiale, ceci pour payer les droits de succession élevés. D’ici à ce qu’une éventuelle autre solution soit trouvée, un an passe, le temps d’un film, d’une vendange à une autre, où l’occasion nous est donnée de mieux connaître les rapports familiaux complexes, présents ou passés, de cette famille, et la fabrication d’un vin, tout aussi complexe.

Dans ce film, la vigne et le vin ne sont pas qu’un prétexte pour raconter ces rapports familiaux des membres d’une fratrie confrontée au deuil et à la survie d’une exploitation. Ils ont une place centrale, car sont l’objet de toutes les attentions et d’enjeux financiers importants pour conserver un patrimoine et une mémoire familiale.

Si Cédric Klapisch a consacré ce film au monde des vignerons de cette région viticole qu’est la Bourgogne, c’est que c’est une région qu’il connaît bien, et qu’il a voulu nous sensibiliser à cette terre et au travail de ses vignerons, travail décrit ici avec une certaine précision, assez rare dans les œuvres de fiction qui s’attachent plus souvent au produit fini et à ses effets. Il s’agit surtout ici de nous expliquer le processus de fabrication qui fait que chaque vin à sa personnalité quand il reflète la personne qui en est à l’origine et les choix opérés aux différentes étapes qui précédent la mise en bouteille. Le réalisateur essaie de nous sensibiliser aussi à l’agriculture biologique et à la qualité gustative d’un vin en montrant le conflit qui oppose la fratrie à deux autres exploitants, l’un qui pulvérise des produits semble-t-il toxiques sur ses vignes pour prévenir le mildiou, et l’autre qui choisit la prudence et la rentabilité au détriment de la qualité. Ces problématiques sont d’ailleurs au cœur d’un des enjeux d’une légalisation contrôlée des stupéfiants, c’est à dire contrôler la production pour mieux contrôler le produit.

Les occasions de boire sont dans ce film essentiellement des occasions de goûter les vins pour mieux apprécier leur qualité. On recrache souvent, mais pas toujours, surtout dans cette fratrie où l’on considère, visiblement depuis des générations, que boire du bon vin, c’est aussi en assumer les effets.

On aura alors inévitablement droit à des scènes d’ivresse, mais celles-ci sont associées, non pas à un objectif de défonce, mais bien plutôt au plaisir de la fête, comme celle qui clôt les vendanges, et au besoin d’oublier les moments difficiles.

Mais pas question d’aborder ici le “trop boire“, ou les conduites à risque, même s’il s’agit d’alcool, et il n’y a pas de raison de le regretter. Même si la dernière loi de santé s’est malheureusement aventurée à ouvrir grande ouverte la porte aux publicistes qui travaillent pour les grands exploitants, ou plus largement pour les grands industriels alcooliers, en assouplissant les règles concernant la publicité sur l’alcool, il serait regrettable que le plaisir du vin, ou plus largement de la consommation d’alcool, et l’apprentissage du goût, devienne une cible comme elle l’est souvent à regret pour les stupéfiants, et que toute image ou écrit qui ne mettrait pas en avant les risques et dangers d’une consommation alcoolique soit considérée comme suspecte et malvenue. On peut donc apprécier cette fiction sans modération, sans arrière pensée et sans exiger plus…

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