“Histoire du trafic de drogues“ 
Série documentaire en trois parties 
de Julie Lerat et Christophe Bouquet 
- Diffusion ARTE

Autres drogues

Qui dit vente de drogues légales, dit commerce international. Mais qui dit vente de drogues illégales, dit trafic international. Il est donc difficile d’isoler la problématique des trafics de drogues des politiques de prohibition qui ont choisi de mettre au ban des accusés certains produits plutôt que d’autres, et orienter ainsi les économies des marchés clandestins. L’air de rien, en s’immisçant un peu plus en profondeur dans l’histoire de ces trafics, on peut facilement mettre en évidence leur impact sur les prises de pouvoir, les échanges diplomatiques et financiers, et les politiques publiques… Cette histoire des trafics que nous propose ARTE peut donc facilement s’inscrire dans la grande histoire des civilisations. Ce sujet n’est pas un sujet à la marge, et on n’imagine pas à quel point il a pris de la valeur avec le temps, ce temps qui a permis à la prohibition de faire son marché macabre. Les guerres des trafics a causé des dégâts considérables, dégâts qu’il faut désormais réparés, et ce ne sera pas sans difficulté…

L’histoire que l’on nous propose ici, commence au XIXème siècle, à l’époque où l’Empire Britannique compte bien conquérir économiquement des territoires et imposer alors par exemple ses produits à la Chine qui n’achète pourtant rien. Comme le dit le narrateur « L’histoire des drogues naît ici, de l’interdiction d’une substance addictive et de la cupidité de l’empire britannique. » Les Anglais veulent imposer aux Chinois leur opium d’Inde, et si besoin par la force, la résine du pavot étant interdite en Chine. Deux guerres victorieuses, celle de 1839-1842, puis celle de 1856-1860 suffiront à ouvrir les ports chinois aux marchants Anglais. Cet empire colonial n’est pas le seul à vouloir imposer son opium au continent asiatique, les Français en feront de même… Les dégâts sanitaires que causa l’opiacé dans la population chinoise s’exporteront facilement vers les maisons-mères des pays producteurs, Angleterre, France et Etats-Unis. Ces Etats-Unis, suivis des puissances européennes, mettent alors en place, au début du XXème siècle, ce qui est l’amorce de politiques publiques prohibitives de plus en plus restrictives. Des produits comme l’héroïne, la cocaïne ou le cannabis prendront le relais alors de l’opium combattu férocement… Les trafics clandestins peuvent alors prospérer sur le commerce de produits, par chance pour les gangs, cartels, triades et mafias du monde entier, devenus illégaux. Les politiques publiques, et volontés affirmées de mettre fin aux usages et aux trafics, seront vaines. Même la période exceptionnelle de prohibition de l’alcool aux Etats-Unis dans les années 20, ne servira pas de leçon… Le début des années 70 marquera un tournant avec cette “guerre à la drogue“ lancée par le président Nixon, guerre qui fera des petits dans le monde entier. Cette guerre, qui sera surtout menée contre les usagers et les dealers de quartiers populaires, sera l’occasion toute trouvée de faire taire des opposants, de stigmatiser des populations mais aussi de s’ingérer dans les affaires de pays plus ou moins éloignés… 

En France, le gouvernement américain envoie sa DEA (Drug Enforcement Administration), nouvellement créée, pour soutenir la police française dans le démantèlement de ce que l’on a appelé la French Connection, à savoir un réseau français efficace de trafic d’héroïne à destination des Etats-Unis. Les opérations furent un succès. L’héroïne débarquant sur le sol américain ne sera alors plus française. Mais d’autres trafiquants, dans d’autres pays, prirent le relais. L’heure des “barons“ de la drogue allait sonner. De gros trafiquants, ambitieux et sanguinaires, se positionnèrent sur un marché de la demande en pleine expansion. Ces trafiquants savent très bien s’adapter aux politiques répressives et tracer leur route pour que les produits passent entre les mailles des filets… Héroïne, cannabis, puis cocaïne allaient inonder le monde entier sans que l’on puisse les arrêter. Le trafic est international et certaines figures emblématiques émergent dès la fin des années 70 : Pablo Escobar, “el Patron“ du cartel de Medellin, et les frères Rodriguez Orejuela du cartel de Cali en Colombie ; Totò Riina, parrain de la Cosa Nostra en Sicile ; Khun Sa, le “roi de l’opium“, dans le Triangle d’or (région à cheval sur le Laos, la Birmanie et la Thaïlande) ; et enfin Félix Gallardo et son cartel de Guadalajara au Mexique. Tous en feront voir de toutes les couleurs aux gouvernants de nombreux pays, mais sauront aussi créer des alliances avec des hommes de pouvoir pour protéger leurs arrières, profitant des accointances possibles avec les forces policières, les services secrets et les partis politiques plus ou moins corrompus, et en recherche de paix sociale ou de conservation de leur pouvoir… Bien entendu, la mise hors d’état de nuire de ces grands pontes du trafic international ne mettra pas fin aux trafics, qui se réorganisèrent sans soucis. Tant que la demande est présente, l’offre trouvera son positionnement et les dealers de plus ou moins haut vol sauront prendre la place de ceux qui disparaissent de la circulation. Les réseaux prennent la place des structures, et surfent sur la vague de la mondialisation des échanges, et des accords commerciaux, comme notamment celui signé en 1994 entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. Une frontière de plus de 2000 kilomètres s’ouvrira alors en grand et, même quand les contrôles occasionnels permettent de saisir une certaine quantité de produits, cela reste une bien moindre quantité face au flux constant et ininterrompu des passages victorieux. Et même si la frontière était moins poreuse, l’imagination des trafiquants semble sans limite. Joachin Guzman Loera, dit “El Chapo“, deviendra ainsi le roi des tunnels… 

Le Mexique saura se positionner, au début du XXIème siècle, au tout premier plan du trafic international de cocaïne en prenant en charge désormais la distribution. Les différents cartels prospèrent chacun de leur côté, et se font la guerre pour s’approprier des zones de transit. Le Mexique entre dans une ère sanglante, qui n’a pas encore pris fin et dont les dégâts humains sont sans précédent… De nouvelles drogues font leur apparition ou du moins, entrent dans l’escarcelle des trafiquants. Le XXIème siècle sera celui des drogues de synthèse qui s’ajoutent aux drogues traditionnelles qui n’ont pas dit leur dernier mot ni n’ont perdu leur manne de consommateurs, et ce à travers le monde… 

Chaque pays développe dans son histoire nationale son propre rapport aux drogues et aux trafics de stupéfiants. Certains d’entre eux, comme le Mexique avec la cocaïne, ou l’Afghanistan, leader mondial de la production d’opium, ont leur destin lié aux drogues qui y sont produites ou aux trafiquants qui en sont originaires… Les organismes internationaux tentent, en vain finalement, de se faire une place dans ce concert des nations où chacun joue désormais sa partition libérale ou prohibitive en solo, tentant toujours de réguler l’offre en y mettant des moyens financiers et en hommes malheureusement encore bien supérieurs à ceux consacrés à la demande…

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