DROGUES / Réforme de la politique des drogues : que font nos voisins européens ?

L’idée de réformer le droit existant dans le domaine des drogues est encore largement taboue en France, en particulier dès lors que les mots “dépénalisation” ou “légalisation” sont prononcés...

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Ces photos de boutiques de vente et de culture de cannabis ont été prises avenue Leopoldstadt, une des artères principales de Vienne.

Alors que l’idée de réformer le droit existant dans le domaine des drogues est encore largement taboue en France, d’autres pays ont engagé des réformes avec plus ou moins de succès.

Avec un taux de consommation de cannabis parmi les plus importants d’Europe, qui signe l’échec de sa législation qui reste une des plus répressives (cf tableau ci-dessous), la France risque pourtant de devoir rapidement se pencher sur la question.

 Législation des différents pays européens sur le cannabis  :

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Le Portugal et de la Suisse font souvent figure d’exemple, tous deux ayant engagé des réformes importantes aux effets globalement positifs. Le nombre de décès lié à la drogue en particulier, a chuté. Comment sont-ils parvenus à ces résultats ?

Le Portugal : la dépénalisation

Les problèmes de drogues qu’a connu le Portugal -principalement imputables au cannabis, à la cocaïne et à l’héroïne – ont atteint leur apogée dans les années 1990. D’après la “Transform Drug Policy Foundation” (la Fondation pour une Transformation des Politiques de Drogue), les cas de décès associés à la drogue s’étaient sévèrement accrus avec l’augmentation des taux de VIH, SIDA, Hépatite B et C parmi la population.

En réponse à l’aggravation de l’état de santé des usagers de drogues, les législateurs portugais ont engagé une des plus importantes réformes du droit relatif aux drogues dans le monde dès 2001. Le Portugal a alors dépénalisé la possession et l’usage de faibles quantités de drogues.

Alors que la fabrication, l’échange et le trafic de drogues illégales relèvent encore du pénal dans le système judiciaire portugais, les personnes se trouvant en possession de drogues pour leur consommation personnelle n’encourent plus de poursuites pénales.

A la place, la personne doit rencontrer un groupe local qui agit au nom de la Commission pour la Dissuasion de l’Addiction à la Drogue, composé de juristes, de professionnels de santé et de travailleurs sociaux. Les membres du groupe détermine alors la sanction à appliquer.

Les sanctions vont de simples amendes à des travaux d’intérêt général. S’il s’avère que la personne souffre d’addiction, la personne se voit aussi dans l’obligation de suivre un traitement dans un établissement de réadaptation.

Mais le Portugal ne s’est pas arrêté à la dépénalisation. Il a aussi augmenté les fonds d’aide à l’expansion et à l’amélioration des programmes gouvernementaux consacrés à la prévention, aux traitements, à la réduction des risques et à la réintégration sociale.

La TDPF a aussi remarqué que “la multiplication des réformes de santé et des réformes sociales” a contribué au succès de ces politiques de drogues.

l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime a observé que les résultats des politiques de drogues au Portugal a permis une baisse du nombre de problèmes relatifs aux drogues. En effet, alors que 44% des gens étaient emprisonnés pour des violations au droit relatif à la drogue, ils ne sont plus que 24% en 2013.

Les données de l’ONUDC montrent aussi que le nombre d’overdoses a baissé parmi les adultes à 3 morts pour un million d’individus – ce qui est très peu comparé à la moyenne de l’Union Européenne qui est de 17.3 décès pour un millions.

Entre-temps, plus de personnes ont aussi cherché un traitement pour leur addiction à la drogue, même si le nombre de demandes de traitement “volontaire” a baissé (les personnes étant plus rapidement diagnostiquées et prises en charge avant d’en faire la demande elles-mêmes.)

Pour certains commentateurs, il reste néanmoins des lacunes à ce système puisque, si la consommation de cannabis est autorisée, la production et la vente sont toujours interdites, ce qui rend les consommateurs toujours dépendants du marché noir.

La Suisse : priorité à la réduction des risques

La Suisse a connu une grande augmentation du nombre d’héroïnomanes vers la fin des années 80, en devenant le lieu de la “scène ouverte de la drogue” dans différentes villes de Suisse. La propagation du VIH  est aussi devenue très importante à cause de l’aggravation des problèmes de drogues dans le pays.

A côté d’efforts d’information importants conduits auprès du public sur les conséquences de la consommation de drogue, la politique de la Suisse s’est aussi concentrée sur la réduction des risques et les thérapies.

La réduction des risques, entre temps, a cherché à  minimiser les conséquences sanitaires et sociales de la consommation et de l’abus de drogues.

Par exemple, en 1992, la Suisse a implémenté un essai au sein de son programme de “Traitement Assisté de l’Héroïne” (HAT), dans lequel les dépendants recevaient des “doses médicalement contrôlées d’héroïne”. Elle cherchait notamment par ce biais à réduire la propagation des maladies et l’exclusion des addicts de la société.

Des aiguilles propres étaient distribuées à travers le programme d’échange d’aiguille dans les années 90 pour réduire le nombre de cas de VIH associés à la drogue. Ce programme a fourni aussi une salle de consommation à moindre risque où les dépendants peuvent pratiquer des injections soumises à des conditions strictes d’hygiène.

Même si la Suisse n’a pas complètement éradiqué l’usage de drogues illégales, les décès liés à la drogue ont constamment diminué depuis les années 1990 jusqu’aux années 2000.  Alors que le nombre de décès dus à la drogue était de 405 en 1991, il est aujourd’hui estimé 152, ce qui constitue une baisse non négligeable.

En votant  fin mars, l’attribution d’une subvention de 850.000 euros qui permettra d’ouvrir à l’automne, dans les murs de l’hôpital Lariboisière, dans le 10ème arrondissement, la première salle de consommation à moindre risque (SCMR), le conseil de Paris montre que la France s’ouvre doucement à de nouveaux modèles, en s’inspirant notamment des réformes Suisses.