“Tournée générale“ Un ouvrage de Victor Le Grand et Thomas Pitrel

Alcool

La “tournée générale“ que nous propose cet ouvrage, publié aux Editions Flammarion, est illustrée en couverture par un verre de vin, boisson alcoolique la plus ancrée dans le paysage hexagonal. Le panorama dressé ici laisse à penser que le paysage se transforme. Les deux journalistes, auteurs de l’ouvrage, ont eu l’idée d’intercaler des courts témoignages de personnalités du monde des arts entre deux chapitres plus informatifs mais reposant eux-aussi en grande partie sur des rencontres, celles de personnalités politiques, de professionnels du monde des vins et spiritueux, mais aussi de la santé… Ces acteurs de terrain défendent leur cause tout en expliquant les difficultés auxquelles ils sont confrontées, les désaccords qu’ils ont les uns avec les autres, et les perspectives qu’ils envisagent…

Pour commencer, il est difficile de faire abstraction du fait qu’en France ne pas boire d’alcool, et surtout n’en avoir jamais bu, reste une exception. Les abstinents doivent souvent d’ailleurs se justifier, mais à l’inverse les gros buveurs doivent eux se cacher… La France continue d’occuper une place à part car elle est associée à un certain mode de vie, et ses vins sont réclamés dans le monde entier. Le vin est un symbole français qui persiste, à l’image des représentations qu’il véhicule qui ont à voir avec l’hédonisme, et l’excellence à la française… Les lobbies n’ont pas perdu de leur influence. La loi Evin votée en décembre 1990, en charge d’encadrer la publicité et la consommation, a par exemple, sous l’influence des lobbies, été modifiée en 2009 par une loi de santé autorisant la publicité sur internet, et plus récemment par une loi d’août 2015 contenant un amendement permettant de communiquer sur des contenus faisant référence, entre autres, à une région de production, un terroir, un savoir-faire, une histoire, une qualité, etc… Les attachées de presse ont alors remplacé les publicitaires… Alcooliers et associations engagées sur le terrain de la santé publique continuent de se tirer dessus, et se renvoient arguments et contre-arguments à la figure sans jamais se rencontrer ou alors lors de procès qui, à défaut de faire bouger les lignes, permettent de récupérer quelques sous des poches des alcooliers.

Bien entendu, encore une fois, il n’est pas question de fustiger l’ensemble du monde vinicole, ou celui des brasseurs et propriétaires d’alambic. Des petits exploitants rencontrés sur la route de cette tournée générale défendent le terroir, l’agriculture saine, la proximité et le bistrot de quartier. On revendique une authenticité et une convivialité de l’alcool sans se cacher derrière de fausses campagnes de modération… De nouveaux exploitants, avec de nouvelles façons de faire, débarquent sur le marché. En dépit de réglementations strictes et d’un milieu traditionnel pas toujours accueillant, on tente de faire sa place en développant une agriculture biologique. Ces nouvelles générations de vignerons prennent de plus en plus de place sous le regard narquois du bon vieux monde de la vigne qui repose lui sur des valeurs paternalistes de transmission qui évoluent peu ou en tout cas pas assez au goût de certains ou certaines. Le réchauffement climatique commence lui aussi à bousculer le paysage avec ses avantages et ses inconvénients concernant l’alcool préféré des français… Le vin occupe certes une place incontournable quand on parle d’alcool en France, mais d’autres boissons alcooliques essaient de se frayer un chemin. La bière artisanale notamment. De nouveaux venus, jeunes entrepreneurs ambitieux et passionnés viennent tenter l’aventure, au risque de se casser les dents. Du côté des spiritueux, ça s’agite aussi. Le cognac, le gin, la vodka par exemple se portent bien dans ce qui est appelé la “Spirits Valley“, un territoire qui s’étire le long de la vallée de la Charente…

La fin de l’ouvrage propose dans sa conclusion de s’interroger sur les problématiques de sevrage concernant les alcoolo-dépendants. De ce côté-là aussi, les représentations et outils évoluent. Le culte de l’abstinence est de moins en moins ancré dans les têtes, et la reprise du contrôle de la consommation est une option bien plus considérée qu’auparavant…

 

Ce texte est la version courte d’un article paru dans le numéro #02 de le revue DOPAMINE

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