Alcool : impact du niveau socio-économique sur l'efficacité des traitements pharmacologiques du trouble d'usage

Une étude de cohorte suédoise sur 150 000 personnes.

Alcool impact du niveau socio-économique sur l'efficacité des traitements pharmacologiques du trouble d'usage

Cette étude avait pour objectif d’analyser dans quelle mesure l’efficacité des pharmacothérapies utilisées pour traiter le trouble de l’usage de l’alcool (TUAL) varie selon le niveau socio-économique (NSE). Le TUAL représente un problème majeur de santé publique et touche particulièrement les populations défavorisées, qui présentent un risque accru d’hospitalisation et de mortalité malgré des niveaux de consommation souvent comparables à ceux des groupes favorisés. En Suède, plusieurs médicaments sont approuvés pour le TUAL (acamprosate, disulfiram, naltrexone, nalmefene), mais leur utilisation demeure limitée et davantage concentrée chez les individus ayant un NSE élevé. Les auteurs posent l’hypothèse que l’efficacité réelle de ces traitements pourrait dépendre du contexte social dans lequel évoluent les patients.

L’étude repose sur une cohorte prospective issue des registres nationaux suédois et inclut 148 626 personnes âgées de 16 à 64 ans ayant reçu un premier diagnostic de TUAL entre 2005 et 2019. Le suivi s’étend jusqu’en 2020. L’exposition étudiée—c’est-à-dire l’utilisation d’une pharmacothérapie spécifique du TUAL—est modélisée comme une variable évolutive dans le temps. Le NSE est mesuré par le niveau d’éducation, classé en faible, moyen ou élevé. L’issue principale est une hospitalisation liée au TUAL, définie par la présence d’un diagnostic principal ou contributif associé à un séjour d’au moins 24 heures. Les analyses reposent sur des modèles de risques concurrents ajustés pour les caractéristiques sociodémographiques, les comorbidités psychiatriques et la prise d’autres psychotropes.

Les auteurs constatent que l’utilisation d’une pharmacothérapie est plus fréquente chez les personnes ayant un NSE élevé (52,5 %) que chez celles ayant un NSE faible (41,5 %). Dans les modèles non ajustés, l’usage d’une pharmacothérapie est associé à une augmentation du risque d’hospitalisation chez les individus de NSE faible et moyen, mais à une diminution de ce risque chez ceux de NSE élevé. Une fois les ajustements complets réalisés, ces associations se modifient nettement : la pharmacothérapie ne réduit pas le risque d’hospitalisation chez les personnes de NSE faible ou moyen, mais elle diminue significativement ce risque chez les individus de NSE élevé (SHR = 0,83 ; IC 95 % : 0,77–0,90). Ainsi, seuls les individus ayant un NSE élevé tirent un bénéfice tangible des traitements pharmacologiques du TUAL en termes de réduction des hospitalisations.

Les analyses d’interaction montrent qu’une partie de cet effet favorable observé dans les groupes à NSE élevé peut être attribuée à l’interaction entre traitement et NSE. L’estimation du RERI (–0,08) indique une légère interaction additive négative : environ 10 % de la réduction du risque d’hospitalisation peut être attribuée à l’effet conjugué d’un NSE élevé et de l’usage de la pharmacothérapie. Ces résultats suggèrent que l’efficacité du traitement ne s’exprime pas uniformément dans la population et dépend probablement de facteurs structurels tels que l’accès aux soins, la continuité du suivi ou la capacité à utiliser efficacement les ressources thérapeutiques disponibles.

Les analyses de sensibilité confirment globalement ces résultats. Dans les modèles intra-individuels, l’usage d’une pharmacothérapie est associé à une réduction du risque d’hospitalisation quel que soit le NSE, mais ces différences sont minimes et ne capturent pas les inégalités structurelles qui influencent l’accès aux soins et la stabilité du traitement.

L’interprétation proposée repose sur plusieurs mécanismes. Les individus de NSE élevé bénéficient d’un meilleur accès au système de soins, ont plus fréquemment recours à des traitements combinés (psychosociaux et pharmacologiques), et présentent en général une meilleure littératie en santé, favorisant la compréhension et l’adhésion au traitement. À l’inverse, les personnes de NSE faible sont davantage exposées aux stigmates, retardent plus souvent la recherche d’aide et cumulent des comorbidités pouvant compliquer l’usage optimal des pharmacothérapies. Il existe également des indices suggérant des différences de pratiques de prescription selon le NSE, ce qui impliquerait que les personnes favorisées consultent des médecins mieux qualifiés. Ceci pourrait contribuer à l’ampleur des inégalités observées.

L’étude bénéficie d’une taille d’échantillon exceptionnelle, d’un suivi long et de la qualité des registres nationaux suédois, ce qui garantit une estimation robuste des risques. Ses limites incluent l’impossibilité de mesurer l’adhésion réelle au traitement, l’absence d’informations sur la sévérité du TUAL et sur l’utilisation de traitements psychosociaux, ainsi que la possible non-détection de prescriptions administrées directement en centre.

En conclusion, l’étude démontre une inégalité sociale marquée dans les bénéfices des pharmacothérapies du TUAL : seules les personnes ayant un NSE élevé en retirent une réduction significative du risque d’hospitalisation. Les résultats soulignent que la pharmacothérapie, loin d’atténuer les inégalités, reflète ou amplifie les disparités d’accès et de qualité des soins. Les auteurs recommandent d’approfondir l’étude des obstacles structurels, de l’accès aux traitements et des pratiques de prescription afin d’améliorer l’efficacité des prises en charge pour les personnes ayant un NSE faible et de réduire les disparités de santé liées au TUAL.

Résumé par ChatGPT 5.1, relu et corrigé par Benjamin Rolland.

En savoir plus : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/add.70238