Le risque pour une personne de développer un trouble de l’usage d’alcool est lié, bien entendu, au niveau et à la fréquence de sa consommation. Cependant, nous ne sommes pas tous égaux face à l’addiction. D’autres critères relatifs à la personnalité de l’individu, à son origine familiale, à l’environnement dans lequel il évolue et à sa sensibilité aux influences sociétales et commerciales sont à prendre en compte.
Facteurs individuels
Certains d’entre nous sont plus à risque que d’autres de développer une addiction à l’alcool. Les principaux facteurs de vulnérabilité sont les suivants :
- Patrimoine biologique
L’alcoolisme n’est pas héréditaire. Cependant, certaines différences biologiques entre les individus expliquent le risque accru, chez certaines personnes, de développer une addiction (à l’alcool ou à tout autre produit ou comportement). - Sexe
Pour des raisons physiologiques, les femmes sont plus vulnérables face à l’alcool. Leur organisme métabolise moins vite l’éthanol que celui des hommes. - Âge
Les adolescents et les jeunes majeurs sont très à risque de développer un trouble de l’usage d’alcool s’ils boivent régulièrement et/ou en quantité importante. La maturation du cerveau ne s’achève qu’aux alentours de 25 ans. Durant cette phase de croissance, le cerveau est plus sensible aux effets de l’éthanol. Leur système de la récompense réagira plus vite à la stimulation induite par le produit, avec un risque accru de dysfonctionnement et une installation plus rapide de la dépendance. Il est démontré que plus on commence à boire de l’alcool tôt (durant son enfance ou à l’adolescence), plus on risque de développer une addiction au cours de sa vie. - Psychologie et traits de personnalité
Une personne dotée de bonnes compétences psychosociales (confiance en soi, empathie, capacité à gérer ses émotions, etc.) est généralement moins à risque de développer un trouble de l’usage de l’alcool. A l’inverse, certains traits de caractère (timidité, impulsivité, attrait pour les sensations fortes…) augmentent le risque. Les personnes qui présentent des troubles psychiatriques (dépression, bipolarité, schizophrénie..) sont particulièrement à risque. Enfin, certains événements de la vie (rupture, deuil, perte d’emploi etc.) sont susceptibles d’induire une consommation problématique chez les personnes concernées, surtout lorsque ces événements présentent une dimension traumatisante. Les individus ayant connu des traumatismes dans l’enfance sont d’ailleurs particulièrement à risque de développer une addiction au cours de leur existence. Le fait de disposer d’aptitudes à la résilience et/ou d’être bien entourées et accompagnées sur le plan émotionnel réduira cependant le risque, en agissant comme facteur de protection.
Facteurs familiaux
Les parents, et plus largement l’ensemble de la famille, jouent un rôle déterminant dans la construction du rapport à l’alcool d’un individu. Le modèle de consommation des parents, et leur attitude et discours autour de l’alcool, exercent un effet plus ou moins protecteur. D’autres facteurs de risque liés à la famille sont identifiés :
- La qualité de la relation intrafamiliale
- Le modèle éducatif des parents (trop laxiste ou, au contraire, trop autoritaire)
- La consommation d’alcool de la mère durant la grossesse
- L’expérimentation d’alcool durant l’enfance (faire goûter de l’alcool à un mineur, dans le cadre familial, augmente son risque d’une consommation problématique à l’âge adulte)
- Le manque de supervision parental à l’adolescence, et l’absence de cadre autour de la consommation d’alcool
Facteurs liés à l’environnement proche
Le milieu dans lequel évolue un individu, le quartier dans lequel il habite, l’entreprise dans laquelle il travaille ou l’établissement scolaire qu’il fréquente sont eux aussi des facteurs de risque ou de protection. À l’adolescence, l’influence des fréquentations est particulièrement importante. Un jeune dont les amis sont consommateurs d’alcool est plus à risque qu’un jeune dont les amis ne boivent pas. Le monde de l’entreprise peut être très incitatif (repas d’affaires, apéros entre collègues, pots de départs à la retraite, afterworks et autres festivités..) ou au contraire protecteur (lorsque des dispositifs de prévention sont mis en place).
Facteurs sociétaux
L’alcool est un produit banalisé et valorisé dans la société française. Certaines personnalités publiques en font la promotion à travers des propos valorisant “le patrimoine” ou encore “le savoir-faire français” en matière de boissons alcoolisées, en particulier le vin. Il n’est pas rare de voir des femmes et des hommes politiques consommer de l’alcool devant les caméras, ou bien d’associer leur image à la filière viticole, brassicole ou des spiritueux (comme par exemple le rhum en Outre-mer). L’alcool est également très présent dans les séries télévisées, les films, les émissions de radio et sur les réseaux sociaux. L’usage d’alcool est présenté comme étant la norme. Les personnes qui ne boivent pas d’alcool dérogent donc à la règle et sont, trop souvent moquées ou rejetées. Ces éléments contribuent à banaliser sa consommation, notamment chez les jeunes. C’est pourquoi les associations de prévention cherchent à faire évoluer les représentations sociales autour de l’alcool, et à débanaliser et dénormaliser l’usage de ce produit.
Facteurs commerciaux
L’industrie alcoolière joue un rôle prépondérant dans l’incitation à la consommation, à travers des stratégies de marketing intensives. Le secteur des boissons alcoolisées est en effet peu réglementé en France, contrairement à celui du tabac. Les marques d ‘alcool ont une assez grande liberté d’action. Elles ont même la possibilité de communiquer, directement ou indirectement, vers les jeunes. Elles ont le droit, par exemple, de faire de la publicité aux abords des établissements scolaires, et des autres lieux de vie des mineurs. Elles peuvent communiquer vers les jeunes à travers les réseaux sociaux. Elles ont le droit de développer des produits très sucrés visant les adolescents et les femmes, et de les vendre à des prix très bas. L’interdiction de vente d’alcool aux mineurs n’étant pas (ou peu) appliquée, ces produits atteignent sans difficulté les jeunes consommateurs. Enfin, les marques d’alcool contournent régulièrement la loi Evin (dont les objectifs sont de réduire la consommation de tabac et d’alcool en France), en réalisant des opérations publicitaires illicites. La Cour des comptes, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et bien d’autres instances recommandent de renforcer la législation à travers une politique de hausses des prix et des mesures réduisant l’accessibilité de l’alcool, en particulier aux mineurs, et en encadrant plus strictement le marketing de l’alcool. Mais le discours des pouvoirs publics autour de l’alcool tend à privilégier le soutien à un secteur économique considéré comme étant créateur d’emploi et de richesse, au détriment de la santé publique. Or, nous payons tous le coût social de l’alcool (102 milliards d’€/an – OFDT 2023) quand les taxes sur l’alcool ne couvrent que 40 % des coûts pour les finances publiques.
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