Amende forfaitaire pour usages de stupéfiants : est-ce une bonne idée ?

Lors d'un déplacement à Nice à le Premier ministre Jean Castex a évoqué une série de mesure pour lutter contre l'insécurité. Parmi elles figure l'instauration de l'amende forfaitaire pour usage et détention de stupéfiants.

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Expérimentée dans 5 villes (Marseille, Rennes, Reims, Lille et Créteil) depuis le mois de Juin, elle sera en vigueur à la rentrée. On peut s’étonner de la rapidité de la mise en œuvre de cette mesure alors que d’autres plus axées sur la prévention ou le soin connaissent des grands retards : l’expérimentation du cannabis thérapeutique ou les salles de consommation à moindre risque.

La forfaitisation de la consommation de stupéfiants vise deux objectifs : alléger les procédures policières concernant la répression de l’usage de drogue (les raccourcir, les rendre plus effectives) et lutter contre le trafic en s’attaquant d’avantage à la demande.

Dans un pays comme la France, déjà très répressif sur l’usage de stupéfiants, avec des résultats peu probants (la France est l’un des pays d’Europe qui consomme le plus de cannabis), on peut s’interroger sur la pertinence de la mesure. De nombreux pays (Espagne, Uruguay, Canada) ont fait le choix de la dépénalisation voire de la légalisation avec des résultats plutôt positifs notamment au niveau de la consommation des jeunes.

Tout d’abord, d’après le Professeur Yann Bisiou sur France Bleu  l’amende forfaitaire empêchera l’initiation aux soins des personnes interpellées. En effet, chaque personne arrêtée pour détention de stupéfiants a, jusqu’à aujourd’hui, la possibilité de voir un thérapeute ou un addictologue pour parler de ses consommations. L’automatisation engendrée par l’amende risque fort de rendre cette option impossible, affaiblissant ainsi la prévention des conduites addictives.

De plus, il n’est aussi pas du tout évident que cette amende ait une incidence forte sur le trafic de stupéfiants. En effet, les nouvelles technologies permettent la mise en place de réseaux de vente beaucoup plus discrets. Ceux possédant suffisamment de moyen pourront toujours se faire livrer à domicile via des applications ou en commandant sur internet afin de consommer chez eux et éviter les contrôles policiers. Cette amende peut donc aussi contribuer à l’augmentation des inégalités puisque les principaux publics qu’elle sanctionnera seront les personnes à la rue ou n’ayant pas suffisamment de moyen pour passer par les livraisons ou l’achat sur internet.

Enfin, d’un point de vue des libertés individuelles ceux qui se verront infliger cette amende seront soumis à un fichage pendant 10 ans, qui pourra donner lieu à une inscription dans le casier judiciaire et pénalisera leur insertion sociale et professionnelle.

Il faudra donc être attentifs aux effets et résultats liés à cette nouvelle mesure.

Pour des informations complémentaires, consulter le communiqué de l’ANPAA