Campagne contre le trafic de drogue : est-il pertinent de culpabiliser les consommateurs ? Les réponses du Pr Amine Benyamina dans "Le Figaro Santé".

Psychiatre et addictologue, le Pr Amine Benyamina s’interroge sur l’efficacité de la campagne de communication du ministère de l’Intérieur contre le narcotrafic.

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Campagne contre trafic drogue est-il pertinent de culpabiliser consommateurs les réponses du Pr Amine Benyamina

« Chaque jour, des personnes payent le prix de la drogue que vous achetez. » La campagne de communication lancée par le ministère de l’Intérieur pour lutter contre le narcobanditisme se veut volontairement provocante pour « responsabiliser les consommateurs » et leur faire prendre conscience qu’ils sont un maillon du narcotrafic. Mais culpabiliser les consommateurs, est-ce véritablement pertinent en termes de santé publique ? Le Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue et président d’Addict’Aide, en doute. Il nous explique pourquoi.

Pr Amine BENYAMINA. – En tant que psychiatre addictologue, avec l’expérience qui est la mienne, je ne suis pas certain que la culpabilisation soit efficace. Ce message ne peut pas convaincre quelqu’un qui est addict. En la matière on a tout essayé et ça n’a jamais marché ; seul un travail de motivation, d’écoute et d’empathie fait avancer les choses. L’addiction est une maladie, ce n’est pas un choix, et les Français le savent : dans une enquête que nous avons publiée en décembre*, les trois quarts le disaient, près de 70% jugeaient que c’était une souffrance pour ceux qui en étaient atteints, et neuf sur dix considéraient qu’il était difficile d’y mettre fin quand on était concerné.

Pensez-vous que le ministère de l’Intérieur sort de son rôle en ciblant les consommateurs ?

Je ne veux pas faire de procès d’intention, on verra ce que donne cette campagne, mais trafiquants et consommateurs sont deux choses très différentes. Le ministre de l’Intérieur est dans son rôle quand il lutte contre les trafics, quand il nous protège de la violence indubitable qu’ils génèrent. Mais là, il me semble qu’il met un pas hors de son périmètre, du côté de la santé publique. Et cela me semble en décalage avec les attentes des Français sur la prise en charge des personnes souffrant d’addiction. Dans notre enquête, la moitié des personnes interrogées jugeaient que l’augmentation du nombre de structures et professionnels dédiés à leur prise en charge était le moyen de lutte prioritaire contre les addictions.

En savoir plus : www.sante.lefigaro.fr.

Lien vers la campagne : www.youtube.com.